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la surveillance des sociétés de crédit foncier, se trouve l’article 4 suivant : « Les sociétés de crédit foncier sont soumises à la vérification des inspecteurs des finances. Ces fonctionnaires portent leurs investigations sur la gestion et la comptabilité desdits établissemens ; ils se font représenter les livres, registres et documens de la société ; ils vérifient la régularité des écritures et l’exactitude de la caisse et du portefeuille. Ils rendent compte de leur vérification et adressent leurs avis et propositions au ministre des finances. » Conformément aux prescriptions de cet article plus ancien que le Crédit foncier lui-même ou tout au moins contemporain de sa naissance, le gouvernement a chargé trois inspecteurs des finances d’examiner la situation de la société.

Cette situation, le gouverneur venait de la faire connaître il y avait moins de deux mois, dans le rapport qu’il adressait, au nom du conseil d’administration, à l’assemblée générale annuelle des actionnaires. Elle apparaissait solide, brillante, prospère, avant tout claire, débarrassée de sous-entendus : opérations d’importance croissante, prêts hypothécaires et communaux en augmentation, portefeuille rempli de valeurs de l’État français, fortes réserves, bénéfices élevés, dividende avantageux pour les actionnaires, rien ne manquait à ce tableau d’une prospérité de bon aloi, soutenue sans défaillance et constamment en progrès depuis douze ans. Quel vice caché allaient découvrir les inspecteurs des finances sous ce voile trop brillant au gré de beaucoup de gens ? Depuis longtemps on chuchotait, dans les régions où se manipulent des trafics d’argent qui n’aiment pas à voir le jour, que la caisse du Crédit foncier était livrée à un gaspillage effréné, qu’elle s’ouvrait pour toutes sortes de dépenses dont les rapports officiels ne faisaient point mention, et ces racontars se mêlaient, avec leur parcelle de vérité, car il n’y a guère de fumée sans au moins un peu de feu, à des histoires fantastiques de bourse énorme de jeu alimentant des spéculations telles que les ressorts du marché de Paris en étaient faussés, à des récits de prêts de complaisance consentis en dehors, sinon en violation de toutes les règles, enfin à des allusions aux services politiques rendus en des circonstances critiques et qui liaient le Crédit foncier au gouvernement.

Il semblait impossible que tout cela fût absolument imaginaire et que des investigations des inspecteurs des finances ne sortît pas quelque découverte sérieuse qui allait fixer les légendes en un point précis et permettre de dire : « Voilà donc par où le Crédit foncier péchait ! voilà le germe de maladie qu’il faut extirper ou étouffer. »

Eh bien ! les investigations des inspecteurs des finances, après