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inférieur, ayant pour but d’effrayer les actionnaires et les obligataires et de les amener à jeter leurs titres sur le marché, pour le plus grand bénéfice de ceux qui avaient eu l’habileté de vendre dans de hauts cours.

Il faut bien parler de ces mobiles peu avouables, puisqu’ils ont assurément exercé dans toute cette affaire une action aussi forte, sinon plus décisive que ceux qui animent d’ordinaire les âmes simples, parfois naïves, des redresseurs d’abus et aussi des hommes pour qui les affaires ne peuvent être que malhonnêtes par cela seul qu’elles sont des affaires. Quant aux rancunes politiques qui ont joué aussi leur rôle, on peut n’en point faire état ; elles touchent au côté personnel de l’aventure, et justement il convient de négliger tout à fait ce point de vue dans une étude de la situation du Crédit foncier, telle qu’elle ressort et du tourbillon de calomnies où on avait rêvé de le faire sombrer et de l’enquête sérieuse dont les résultats ont mis heureusement fin à l’incident.

Au début de la campagne, des esprits inquiets commençaient à hocher la tête en gémissant sur les tristes progrès de la corruption financière et de la démoralisation publique. Après la chute du Panama, la catastrophe du Comptoir d’escompte, et aujourd’hui la crise du Crédit foncier. On se contentait du mot crise, n’osant vraiment hasarder celui de déconfiture, mais on n’était pas éloigné de croire que d’éviter le mot n’empêcherait pas la chose d’arriver. On voulait retrouver dans le dernier cas les mêmes causes de destruction que dans les deux premiers, malversations éhontées, spéculations audacieuses, bénéfices scandaleux dont ne profitaient pas seuls les actionnaires, violations flagrantes des statuts. On reconnaissait toutefois que le mal n’était pas encore sans remède, que l’institution pouvait être sauvée de la ruine ; mais il n’était que temps, il fallait faire place nette, chasser tout le personnel de la direction, nettoyer les écuries d’Augias. Alors sans doute on arriverait à sauvegarder le gage des obligations.

Ce thème primitif a été repris dans une série de prétendues révélations qui, par l’obscurité amphigourique des détails, la violence des termes, l’exagération des faits incriminés, ont fini par lasser l’opinion publique et faire hausser les épaules aux gens de sens rassis. Pendant ce temps, le gouvernement, sollicité, sommé plutôt, dans la chambre des députés, de faire son devoir, tout son devoir, se décidait, bien qu’il jugeât que l’on menait grand tapage pour peu de chose, à user des pouvoirs qu’il possède et à ordonner une enquête administrative sur la gestion du Crédit foncier.

Dans le règlement d’administration publique, remontant au 18 octobre 1852, où est établi le mode suivant lequel s’exerce