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aux environs du Caire. Son avant-garde était à Birket-el-Hadj, ou lac des Pèlerins.

Le général Kléber n’avait pu réunir que 10,000 hommes pour combattre ces 80,000 musulmans.

Il signifia au vizir qu’il eût à se retirer. Celui-ci répondit que, les Français ayant signé la convention d’El-Arisch, elle devait être exécutée ; que, par conséquent, non-seulement il ne se retirerait pas, mais qu’il réclamait l’Égypte.

Le 20 mars, les deux armées étaient en présence. Kléber parcourut les rangs. Il dit aux soldats : « Mes amis, vous ne possédez plus en Égypte que le terrain qui est sous vos pieds ; si vous reculez d’une semelle, vous êtes perdus ! »

Sa présence et ses paroles furent accueillis avec enthousiasme.

Dans cette plaine immense, l’armée française, par son petit nombre et son ordre de bataille, semblait un point, surtout en la comparant à celle des Turcs. Nous marchâmes à l’ennemi, et le combat s’engagea avec l’avant-garde des Osmanlis.

Le général en chef fit former trois carrés de l’infanterie et deux colonnes de la cavalerie. Le général Reynier enleva aux Turcs le village d’El-Matarieh ; Kléber, avec les carrés de droite de la division Friant, se dirigea vers Héliopolis. Toutes les attaques de l’armée ennemie furent repoussées ; puis, prenant l’offensive à notre tour, nous l’enfonçâmes partout où nous pûmes l’atteindre. Elle se dispersa dans la direction de Belbeïs. 80,000 Turcs fuyaient devant une poignée de Français. On poursuivit l’ennemi jusqu’à El-Kantah.

Pendant le combat, les mamelucks d’Ibrahim-Bey, beaucoup de cavaliers et 6,000 hommes d’infanterie avaient tourné notre gauche et avaient pu ainsi pénétrer dans la ville du Caire.

La populace, à leur vue, se porta aux plus grands excès contre les malheureux négocians européens ou coptes, et contre les militaires isolés.

Nos postes autour de la ville furent attaqués. Les compagnies de grenadiers de la 32e occupaient les hauteurs autour du Caire, elles furent assaillies par la populace de cette ville et celle de Boulaq. Nous soutînmes un combat opiniâtre jusqu’à la nuit.

Kléber en entendant, pendant la bataille même, le canon du Caire, se douta bien de ce qui s’y passait, et ne fut pas sans inquiétudes, car il n’y avait pas laissé plus de 2,000 hommes.

Dès que la victoire d’Héliopolis lui parut décidée, il renvoya au Caire deux bataillons. Ce renfort arriva vers la fin du jour.

En outre, le général Kléber fît partir du champ de bataille, à minuit, le général Lagrange avec quatre bataillons pour venir à notre secours.