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chaloupes canonnières, enlevèrent Rosette et pénétrèrent ainsi dans la branche occidentale du Nil. Le général Morand, qui n’était pas arrivé à temps pour défendre Rosette, avait pris position à Fouah. Le général Menou le fit soutenir par son chef d’état-major, le général Lagrange. Ils disposaient ensemble de cinq régimens d’infanterie et de quelques escadrons. Le 8 mai, le général Lagrange se replia sur Ramanieh. L’ennemi avait remonté le Nil avec sa flottille et avait canonné à revers toute la journée le camp de Fouah. Le général Lagrange, qui ne pouvait opposer que 4,000 hommes à 12,000, avait détruit ses vivres et ses munitions, en coulant les barques qui les portaient, et avait effectué sa retraite sur Ramanieh. Il avait vainement attendu le général Menou, qui lui avait promis de venir le rejoindre avec des renforts et qui ne parut pas. La flottille ennemie ayant suivi le général Lagrange, celui-ci évacua encore Ramanieh et se dirigea vers le Caire. Il y arriva le 14 mai avec ses troupes, au moment où on croyait fermement qu’il livrait bataille aux Anglais à Ramanieh.

Cette retraite imprévue décidait du sort de l’Egypte.

Le général Menou s’était renfermé dans Alexandrie, qu’il voulait, disait-il, défendre à outrance. La place étant investie, l’armée n’avait plus de communications avec son général en chef. Le général Belliard, le plus ancien divisionnaire après lui, prit le commandement le 16 mai. Les troupes réunies autour du Caire présentaient environ 7,000 combattans.

Le général Belliard, avec 6,000 hommes, se porta au-devant de l’armée turque du grand-vizir qui s’avançait par le désert. Il rencontra l’ennemi à six lieues du Caire. On se canonna. Notre cavalerie enleva deux pièces de canon, servies par des artilleurs anglais. Il fut impossible d’engager une affaire générale. Les Turcs, prévenus par les Anglais, s’appliquaient à l’éviter. Mais pendant que les Français manœuvraient pour engager la bataille, le général Belliard s’aperçut qu’un corps nombreux le débordait et cherchait à gagner le Caire. Ne voulant pas voir se renouveler, dans la situation critique où il se trouvait, l’incident d’Héliopolis, le général Belliard ramena ses troupes au Caire. On y construisit un camp retranché dont les lignes s’étendaient depuis la prise d’eau de l’aqueduc jusqu’au quartier copte sur la place de l’Esbekieh, embrassant Gizeh et Boulaq.

Je reçus l’ordre de monter à la citadelle avec ma caisse, et de me pourvoir de trois mois de vivres.

Le 9 juin, les Anglais campèrent sur la rive gauche du Nil, à trois lieues au-dessous du Caire. Ils établirent sur le fleuve un pont de bateaux que l’on apercevait très bien de la citadelle. Le 14, l’armée turque vint camper sur la rive droite du Nil, en face des