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troupes anglaises. Les ennemis n’attaquèrent pas nos lignes, mais comme ils étaient très nombreux, ils nous investirent. Nous fûmes bientôt bloqués au Caire, comme le reste de l’armée l’était à Alexandrie.

Le 19 juin, on convint d’une suspension d’armes. Le 22, on entra en pourparlers avec les Anglais et les Turcs.

Le 28 juin, nous apprîmes qu’une convention pour l’évacuation de l’Égypte avait été signée. Elle reproduisait à peu près les mêmes conditions que la convention antérieure d’El-Arisch.

Le mot de capitulation n’était pas prononcé. On stipulait que l’armée française évacuerait l’Égypte et se retirerait en conservant ses drapeaux, ses armes, ses chevaux et tous ses bagages. Qu’elle serait transportée dans les ports français sur des vaisseaux anglais ou turcs aux frais des ennemis. Que les Égyptiens qui voudraient la suivre pourraient se joindre à elle. L’embarquement devait être effectué dans un délai maximum de cinquante jours.

C’était la convention préparée par Sydney-Smith, que, l’année précédente, le gouvernement anglais avait refusé de ratifier ; il s’était ravisé !

Le lendemain de l’échange des ratifications de cet acte, la porte de Gizeh fut remise aux Anglais et le fort Sulkowsky aux Turcs.

Le 9 juillet, la ville du Caire, la citadelle et tous les forts furent évacués. L’armée passa le Nil et campa à Gizeh.

Je fus désigné, en qualité de commissaire, pour préparer, de concert avec ceux des ennemis, l’embarquement de l’armée.

Je descendis le Nil sur une barque et arrivai au quartier-général du capitan-pacha, à Rosette, où je restai vingt jours, parce que les troupes, venant du Caire, marchaient à petites journées.

La veille de notre départ de Rosette, Malem-Jacob, général copte, commandant les troupes auxiliaires de l’armée, qui avait été, pendant la domination des mamelucks, intendant général de l’Égypte, fut invité par le capitan-pacha à se rendre à son bord. Il me demanda si je voulais l’accompagner, parce qu’il ne comprenait ni le français ni le turc, mais seulement l’arabe ; il me priait de lui servir d’interprète. J’acceptai. Nous nous rendîmes à l’invitation du pacha, à bord du vaisseau-amiral turc. Les offres les plus brillantes furent faites à Malem-Jacob, pour qu’il consentît à rester en Égypte et à l’administrer au nom du grand-seigneur. Il refusa, quoiqu’on le pressât beaucoup. Il répondit qu’il avait lié sa destinée à celle de l’armée française, qu’il était déterminé à la suivre et à partager son sort.

L’on nous servit du café. Le général en prit une tasse, moi je refusai, préférant fumer une pipe de latakieh, et, laissant Malem-Jacob avec les officiers turcs, je fus visiter le vaisseau-amiral, puis