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où se retrouvent les traits essentiels de la race. Au point de vue de l’éducation, si le développement de l’individu suit les mêmes voies que celui de l’espèce, il s’accomplira avec plus de facilité, parce qu’il sera plus conforme à l’adaptation héréditaire du cerveau. Enfin, l’harmonie du développement individuel avec le développement collectif se justifie par le but même que l’éducation doit poursuivre, et qui est précisément la subordination de l’individu aux fins de la société entière. Il faut que l’individu réalise en lui l’idéal social, qu’il soit la société en raccourci, non-seulement telle qu’elle est, mais telle qu’elle doit être et tend à être. Il faut, en un mot, que l’homme vive la vie de l’humanité entière et par là soit deux fois homme.

Mais, si le principe général de l’évolution s’applique à l’éducation de la jeunesse, il a besoin d’être bien interprété dès qu’on passe aux conséquences particulières. Nous voyons trois directions différentes se dessiner selon qu’on cherchera surtout, dans l’éducation individuelle, la conformité avec l’évolution passée de l’humanité, ou avec son état actuel, ou avec son évolution future : il y a lutte, pour ainsi dire, entre le passé, le présent et l’avenir. Le problème de l’éducation est de concilier ces trois points de vue. Selon nous, le plus essentiel est de se conformer à l’idéal de l’humanité future ; l’harmonie avec l’humanité actuelle est un premier moyen d’atteindre ce but, et l’harmonie avec l’humanité passée est un second moyen, plus indirect. C’est sur ce dernier moyen, déjà préconisé par l’école pédagogique d’Herbart, que M. Vaihinger a le plus insisté. « L’histoire de l’évolution graduelle de l’humanité, dit-il, s’appelle aujourd’hui l’histoire de la civilisation. Nous pouvons donc, de la loi fondamentale qui préside à la genèse de l’a vie, déduire la loi de la genèse mentale et la formuler ainsi : le développement intellectuel de chaque individu en particulier doit récapituler les pages historiques de la culture de l’humanité. » Quiconque veut parvenir au niveau de la civilisation actuelle, avait déjà dit le disciple d’Herbart, Ziller, « doit parcourir les mêmes degrés de développement par où l’humanité a passé dans le progrès de sa culture. » De là, M. Vaihinger conclut à la légitimité de l’enseignement classique, quelque réforme d’ailleurs qu’il soit désirable d’y introduire.

C’est aller un peu vite. Comment conclure immédiatement d’une loi physiologique à une loi mentale très générale, et de celle-ci à un programme d’études très particulier ? Voyez les conséquences contradictoires que l’on a tirées du même principe général. Si M. Vaihinger conclut à l’enseignement classique, M. Spencer conclut à l’enseignement scientifique, — faussement d’ailleurs,