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étude considérée isolément ; il faut en apprécier la valeur relative et la place dans l’ensemble, l’influence sur le développement de l’esprit national, enfin l’utilité plus ou moins grande pour le maintien de l’influence française en face des influences étrangères. Une nation préoccupée de son avenir ne peut s’abstraire ni de son propre passé ni de ses rapports présens avec les autres nations.

Après avoir parlé d’abord des applications très générales qu’on a faites de la théorie évolutioniste à la pédagogie, nous essaierons de montrer que c’est sur l’évolution nationale et non pas seulement, comme le croit Spencer, sur l’évolution humaine qu’il faut se régler dans le choix des objets d’études.


I

Les principes de la pédagogie évolutioniste, doctement invoqués par MM. Vaihinger et Preyer comme par Spencer, sont les suivans : 1° l’homme, dernier résultat de l’évolution zoologique, résume en lui-même les précédentes formes de vie selon les lois « ontogénétiques et phylogénétiques, » — c’est-à-dire, selon les conditions de genèse des individus et de l’espèce ; 2° l’homme est soumis à l’hérédité physiologique et psychologique ; dans le milieu social, par l’exercice de ses facultés, il développe les énergies qu’il a héritées et les transforme en équivalens d’ordre supérieur ; 3° l’homme a une vie non-seulement individuelle, mais collective : les individus et la société se pénètrent mutuellement ; si la vie sociale doit être considérée comme l’effet de la vie des individus, il est également vrai, d’autre part, que le développement de chaque individu doit être considéré comme effet et moyen de l’organisme social. En conséquence, la pédagogie ne peut devenir une science qu’en s’appuyant sur la « physio-psychologie » d’une part, et, de l’autre, sur la sociologie.

C’est Auguste Comte qui a donné pour fondement à la science de l’éducation cette loi fameuse : « l’évolution individuelle doit être en conformité avec l’évolution collective. » Sous cette forme quelque peu vague, la règle fondamentale de la pédagogie évolutioniste peut assurément se justifier. Le développement de l’individu, dans toute l’échelle animale, résume les principaux degrés parcourus par l’espèce : on connaît les phases successives par lesquelles passe l’embryon humain et qui présentent, en raccourci, l’histoire de la vie sur la terre avec la succession de ses formes principales. Les lois mêmes de l’hérédité rendent inévitable une certaine conformité du développement individuel avec le développement de l’espèce : chaque individu est pour ainsi dire un spécimen particulier