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Mais c’est une culture qui, en général, diminue annuellement de superficie : elle se sent vaincue. Il suffit d’évoquer la récolte faite en Louisiane dans la saison de 1861-62. Ce fut, il est vrai, le point culminant de la production de cet état : celui-ci récolta 528,321,500 livres de sucre et 34,216,000 gallons de mélasse. C’était le beau temps, celui de la main-d’œuvre esclave et des grands prix du boucaut, alors que la betterave n’était encore qu’à son berceau, en Europe. Mais après la guerre de sécession, la première récolte, 1865-66, alors que le pays est épuisé et déserté par les bras, ne fournit plus que 19,900,000 livres de sucre et 1,128,000 gallons de mélasse. Enfin, vingt et un ans après, alors que le pays a eu tout le temps de se refaire, en 1887-88, la plus forte production depuis la guerre, malgré un matériel transformé, qui assure un rendement perfectionné de la matière saccharine extraite, ne parvient à donner que 353,855,877 livres de sucre et 21,980,241 gallons de mélasse.

Il ne faut donc pas s’étonner si l’esprit entreprenant de l’industrie américaine a cherché et trouvé bien vite un terroir propre à la culture de la betterave. C’est en basse Californie qu’il s’est arrêté. La grande usine d’Alverado y a déjà imprimé un développement considérable à la propagation de cette plante exotique, qui a parfaitement réussi dans sa croissance et dans son développement. Après plusieurs traitemens, la richesse des jus a été reconnue. La période d’études touche à sa fin, et nul doute que les chimistes, expédiés depuis plusieurs mois d’Alverado en France pour y étudier les meilleurs procédés d’extraction et de turbinage, n’y rapportent bientôt la seule chose qui leur manque encore pour assurer le succès définitif de l’expérience tentée sur une très vaste échelle, le secret de la bonne fabrication.

L’importation de la betterave ne pouvait suffire à l’esprit innovateur de la race américaine, toujours aux aguets de la découverte, merveilleusement secondé d’ailleurs par les investigations et les expériences techniques du département de l’agriculture. On songea à inaugurer du même coup la culture du sorgho, plante originaire du bassin méditerranéen. L’état du Kansas et ses limitrophes avaient été essayés et reconnus comme favorables à cette tentative, aussi bien comme terroir que comme climat. La station expérimentale du Kansas en avait pris l’initiative. Grâce à une active propagande, qui se fit sentir jusque dans l’ouest, les industriels et les fermiers s’entendirent pour la construction d’usines et pour la culture du sorgho dans le rayon de ces nouveaux établissemens. La première saison de rendement fut celle de 1888 : elle s’annonça sous de très favorables auspices, et, en effet, la production fut rémunératrice.