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UN
CLIENT DE L'ANCIEN REGIME

I.
DE L’ISLE, Mme DE CHOISEUL ET SES AMIS.

Dans tous les temps, dans toute société organisée, on a vu surgir, se succéder une race d’hommes nés satellites, destinés par leur fortune, leur naissance ou leur caractère, à graviter autour des grands et des riches, propres à suivre, à obéir, comme d’autres sont aptes à précéder, à commander ; insinuans et habiles dans le détail des choses, fidèles au patron que le hasard leur a donné ou qu’ils ont choisi comme un paratonnerre contre les surprises de la vie, parfois conseillers excellens et inspirateurs des grandes résolutions, mais contens de demeurer dans la pénombre et désireux de ne pas remplir les rôles éclatans sur la scène du monde. Ils n’ont pas la foi en eux-mêmes, ils n’ont pas la volonté, faculté souveraine qui remplace et souvent annihile toutes les autres ; mais certain penchant vers l’épicuréisme, quelque nonchalance dans l’âme, l’instinct du bonheur, qu’ils savent ne pas devoir rencontrer dans le fracas de la lutte, un scepticisme doux, le scepticisme de Cinéas essayant de dissuader Pyrrhus de conquérir l’univers, tout les détourne des ambitions fortes, les ramène vers un horizon restreint, du moins tranquille. Ne sont-ils pas nés confidens, familiers, amuseurs, comme leurs protecteurs, vers