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De votre main enchanteresse
Quelque autre un jour vous parlera :
Mais que de peines il faudra
Pour obtenir votre tendresse !
Trop éloigné de mon printemps,
Je n’en pourrai plus prendre aucunes,
Et je veux profiter du temps
Où vous les donnez pour des prunes.


Les fillettes de ce temps-là savent de bonne heure jouer à la dame : leur toilette est presque la miniature de celle de leurs mères, déjà elles s’exercent à la comédie du corps, au jeu de l’éventail, on les farde pour les conduire au bal, et ainsi se forment ces enfans qui, à huit ans, tranchent du bel air, parlent chiffons avec autant d’aplomb que la Bertin, enfans jolis à croquer et (ont au parfait. Aussi bien la tradition des enfans précoces ne se perdit jamais en France, et l’on sait le mot plaisant de Mlle de Rambouillet : « Or ça, grand’maman, parlons d’affaires d’État à présent que j’ai sept ans. » Le petit duc d’Angoulême reçoit le bailli de Suffren, un livre à la main : « Je lisais Plutarque et ses hommes illustres, vous ne pouviez arriver plus à propos. » Un évêque interroge Châteauneuf, âgé de neuf ans : « Dites-moi où est Dieu et je vous donnerai une orange. » — « Monseigneur, dites-moi où il n’est pas et je vous en donnerai deux. » Mme de Genlis s’improvise maîtresse d’école à huit ans, Mme de Staël compose des tragédies à douze, et, dans les pensionnats aristocratiques, où la danse était mise au même rang que l’histoire, où, néanmoins, grâce au service des obédiences, se formaient d’excellentes maîtresses de maison, ces demoiselles s’évertuent, dès l’âge le plus tendre, à griffonner leurs mémoires, parce que telle est la mode dans le monde.

Une autre vogue et qui se maintint fort longtemps, fut celle du parfilage, qui, vers 1770, détrôna les nœuds et le filet, comme ceux-ci avaient détrôné les pantins, les cheminées à la Popelinière, le découpage. Tirer de l’or des vieux galons, des épaulettes, quoi de plus amusant… et de plus inutile ? Pas si inutile cependant, car on parvint à réaliser sur son parfilage des bénéfices de 100 louis par an. Plus d’un homme entrant dans un salon se voyait assailli par des ménades d’un nouveau genre, qui, le plus gracieusement du monde, enlevaient les broderies de son costume, et le duc d’Orléans leur donna une jolie leçon de discrétion en faisant ajuster à son habit des brandebourgs d’or faux qu’il laissa découdre sans mot dire et parfiler avec de l’or vrai. Mais les dames se lassèrent bientôt des galons et préférèrent parfiler avec des bobines d’or : filer de l’or sur du fil de soie, sans autre but que de