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publique, des conscrits que réforment les conseils de révision, sont des victimes de cette maladie. Elle prend les enfans au berceau, et, quand elle ne les tue pas, elle ne les lâche qu’après avoir déformé leurs membres, dévié leur colonne vertébrale et troublé leur vue, après les avoir conduits sur le seuil de la phtisie en leur léguant, pour l’avenir, la perspective de donner le jour à des enfans qui apporteront, en naissant, le germe de la terrible diathèse.

Le nombre des scrofuleux est si grand, que chaque année il s’en présente en moyenne quinze cents à la porte de l’Enfant-Jésus et de Sainte-Eugénie pour y obtenir un lit, ou tout au moins pour y être admis au traitement externe[1]. La maladie est cependant curable, mais à deux conditions : la première, c’est de soustraire le malade au milieu dans lequel il l’a contractée ; la seconde, c’est de le placer dans des conditions hygiéniques qu’on ne trouve complètement réalisées qu’au bord de la mer.

L’influence bienfaisante de l’air marin sur les constitutions débilitées, chétives, sur les jeunes sujets lymphatiques, strumeux, sur les candidats à la scrofule, en un mot, est connue depuis longtemps ; mais ce n’est qu’au siècle dernier qu’elle a passé du domaine de l’empirisme dans celui de la médecine régulière, et l’explication scientifique de son influence salutaire est de date plus récente encore. Elle est contemporaine de notre époque.

L’air marin est le plus salubre qu’on puisse respirer, parce qu’il se renouvelle sans cesse et qu’il se purifie en traversant les immenses solitudes de la mer, avant d’arriver sur nos plages. Celui des hautes montagnes est exempt, comme lui, de toute souillure ; mais il n’a pas la même densité et n’est par conséquent pas aussi vivifiant, parce qu’il ne renferme pas autant d’oxygène sous le même volume. L’atmosphère maritime est de plus riche en ozone et imprégnée de molécules salines. Les expériences de Gilbert d’Hercourt et les recherches de Kirchhoff ont prouvé qu’on trouve des traces de sel marin, dans l’air, à 60 mètres au-dessus du niveau de la mer et à 500 mètres de la côte. Il y est transporté par des particules d’eau de mer finement pulvérisée, qui le déposent en cristaux sur le porte-objet de l’aéroscope. La quantité est proportionnelle à l’agitation de l’eau et à l’intensité de la brise.

Cette atmosphère spéciale est celle qui convient le mieux au traitement des affections qui dérivent de la tuberculose, pour des raisons que j’exposerai plus tard. Sans être un spécifique pour ces maladies, elle contribue puissamment à leur guérison.

Les bains de mer ont également leur efficacité. Ils agissent sur

  1. Jules Bergeron. Rapport adressé au directeur de l’Assistance publique le 15 juillet 1866.