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d’un parlement divisé et déjà épuisé. Ils ont expédié au pas de course la loi des quatre contributions en y introduisant une réforme pour le moins hasardeuse ; et, ce qu’il y a de plus curieux, c’est que le sénat, au lieu de rester jusqu’au bout un conseiller de prudence, s’est résigné à voter par faiblesse ce que la chambre elle-même avait voté sans conviction. Bref, une brèche de plus a été ouverte dans notre système de contribution foncière, l’impôt de quotité y est entré par surprise, par un impromptu parlementaire. Après cela, sénateurs et députés avaient manifestement conquis le droit de prendre leurs vacances en laissant le pays à son repos. Ils seront peut-être plus embarrassés, à leur retour, que les écoliers, dont ils ont quelquefois l’étourderie sans en avoir les généreuses ardeurs.

Oui, vraiment, le sénat a suivi la chambre dans son expérience financière ; il a même fait à peine quelques façons pour se jeter dans l’inconnu. Aux premiers momens, il est vrai, il paraissait presque unanime dans la volonté de ne pas laisser passer une innovation peu réfléchie, cette substitution improvisée et décousue du principe de la quotité au principe de la répartition dans la taxation des propriétés bâties. Il était tout feu pour la défense de ses droits et du système de l’impôt foncier consacré jusqu’ici. Il semblait surtout arrêté dès les premiers pas par deux raisons qui pouvaient dispenser de bien d’autres : la première, c’est qu’en vérité on ne propose pas, trois ou quatre jours avant la fin d’une session, à une assemblée sérieuse des mesures qui sont pour le moins le commencement d’une révolution fiscale ; la seconde raison plus décisive encore, c’est qu’on ne traite pas ainsi les affaires les plus compliquées, les plus délicates, c’est qu’on n’introduit pas d’une manière presque subreptice dans un fragment de budget des réformes ou de prétendues réformes qui touchent à bien d’autres lois de l’État. Procéder ainsi, c’est déconsidérer fort légèrement une assemblée dont on devrait au moins ménager la dignité, et livrer au hasard de toutes les surprises, de toutes les mobilités parlementaires, les plus graves problèmes de l’organisation publique. Le sénat a paru d’abord le sentir ; il n’a pas tardé à faiblir. Vainement des hommes comme le rapporteur de la commission des finances, M. Boulanger, comme M. Buffet, se sont efforcés de le raffermir en opposant leurs lumineuses et fortes démonstrations au projet de la chambre et du gouvernement. Le sénat n’a fait qu’une courte résistance, il a cédé ! Il a voté ce qu’on lui demandait, donnant ainsi une fois de plus la mesure de ses faiblesses. M. le ministre des finances, Rouvier, qui a voulu sans doute prendre au Luxembourg une revanche de ses récentes déconvenues au Palais-Bourbon, a employé les grands moyens, les argumens qui ne prouvent rien et qui ont raison des dernières résistances : il a fait peur aux sénateurs qui vont avoir à subir l’épreuve d’une réélection dans quelques mois ; il a de plus essayé assez puérilement de flatter le