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dernière difficulté. C’est qu’il y a trois annotations qui font allusion à des faits postérieurs à la mort de Mme de La Fayette, l’une à la bataille du Ter (1694), l’autre à la publication du livre de Bossuet sur le quiétisme (1697), l’autre enfin à l’élévation de M. de Pontchartrain (1699). Il faut donc convenir que ces annotations ne sont pas de Mme de La Fayette, pour partie du moins, car celle où il est fait mention de la bataille du Ter est précisément de deux écritures. En revanche, il y en a d’autres qui font application de certaines maximes à des femmes de la cour dont il est question à plusieurs reprises dans la correspondance de Mme de Sévigné. Ainsi la duchesse de Lorges (dont Mme de Sévigné parle dès 1676) à propos de l’air bourgeois qui ne se perd point à la cour, ainsi Mme de Vaubrun (dont Mme de Sévigné parle dès 1675) à propos des veuves qui font parade de leur douleur. L’auteur de ces annotations faisait donc partie depuis plusieurs années de la société de ces dames, et n’était pas, comme l’a dit M. Cousin, une personne plutôt de la ville que de la cour, du temps et du goût de Mme de Lambert. Mais ce n’est pas seulement l’écriture et l’époque de ces annotations qui sont différentes, c’est encore leur ton. A côté d’un grand nombre qui sont fines, légères, profondes, il y en a quelques-unes qui peuvent paraître lourdes et parfois un peu pédantes. L’esprit qui les a dictées ne semble pas le même. Aussi, en présence de ces difficultés et de ces contradictions, me suis-je arrêté à l’hypothèse suivante. Ces annotations sont bien, pour le plus grand nombre, de Mme de La Fayette, non pas écrites, mais dictées par elle à deux personnes, comme elle dictait ses lettres à Ménage à deux secrétaires[1]. L’une de ces personnes était probablement son fils aîné, l’abbé de La Fayette, qui paraît avoir vécu avec elle d’une vie plus intime que son frère, le marquis, car il fut le légataire de ses papiers, et on l’accuse même, le misérable ! d’avoir perdu le manuscrit d’un roman inédit. Sa mère étant morte, le bon abbé aura conservé précieusement cet exemplaire qui lui rappelait un pieux souvenir, et de sa main il aura ajouté ces annotations dont les unes, à cause des événemens auxquels elles font allusion, ne sauraient être attribuées à Mme de La Fayette, et dont les autres sentent, en effet, leur théologien autant par les citations de l’Écriture, dont elles sont entremêlées que par la crainte ouvertement témoignée que telle ou telle maxime ne soit hérétique. Mais le plus grand nombre de ces observations sont bien d’une femme, et d’une femme de la cour. M. Cousin reconnaissait au reste que quelques-unes ne sont pas indignes de

  1. Mme de La Fayette avait auprès d’elle, dans les derniers temps de sa vie, une demoiselle Perrier, personne fort dévouée et intelligente qui pouvait lui servir pour cet office.