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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/121

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Mme de La Fayette. Il me reste à montrer que non-seulement elles ne sont pas indignes d’elle, mais que ce sont bien celles que devaient inspirer à un esprit comme le sien les Maximes de La Rochefoucauld. Il y a là un dernier point de conviction que j’espère emporter dans l’esprit de mes lecteurs on feuilletant avec eux le volume lui-même. Aussi bien ai-je peut-être besoin de confirmer un peu la mienne.


III

Dans l’introduction un peu lourde dont il a cru devoir accompagner la publication faite par lui en 1822, M. Aimé Martin avait dit : « On sait que l’auteur de Zaÿde et de la Princesse de Clèves approuvait le système de La Rochefoucauld » et il en donnait pour preuve que Mme de La Fayette, dans l’exemplaire annoté par elle, se serait bornée le plus souvent à mettre au bas de chaque pensée les mots vrai, excellent, sublime, et n’aurait exercé sa critique que sur les détails. M. Cousin, personne n’en ignore, n’aimait pas La Rochefoucauld, auquel il ne pardonnait pas d’avoir été son rival auprès de Mme de Longueville. Aussi n’a-t-il pu prendre son parti de cette approbation, et c’est une des raisons principales qu’il adonnées pour dénier l’attribution à Mme de La Fayette des remarques publiées par M. Aimé Martin. Or, il s’en faut que cette approbation soit aussi complète que M. Aimé Martin a bien voulu le dire. Sans doute Mme de La Fayette (on me permettra de la tenir dès maintenant pour auteur de ces remarques) ne se montre pas avare des témoignages de son admiration, mais comment pouvait-elle la refuser à ces pensées d’un tour si élégant, d’une vue si profonde, parfois d’une si désespérante clairvoyance ? Elle-même était une personne d’un esprit sagace, peut-être même un peu chagrin, en tout cas peu porté vers l’illusion. D’ailleurs, Sainte-Beuve l’a fait remarquer avec finesse, le système de La Rochefoucauld, à la grâce près, ne diffère pas au fond de la doctrine janséniste et même de la doctrine chrétienne sur la corruption originelle de l’homme. Or Mme de La Fayette avait toujours été un peu encline au jansénisme, et c’est sous la direction d’un des Messieurs de Port-Royal qu’elle a fini sa vie. Il n’est donc pas étonnant qu’elle n’ait pas pris. à tout propos le contre-pied de La Rochefoucauld, comme M. Aimé Martin a cru devoir le faire dans son honnête Essai sur les Maximes. Il s’en faut cependant qu’elle soit aussi ménagère de critiques que l’a dit M. Aimé Martin. Souvent, il est vrai, ces critiques ne portent que sur la forme et se traduisent d’un seul mot, mais d’un mot un peu sévère. Ainsi, quand La Rochefoucauld dit : « Le