Il est vrai qu’à la même pensée, mais différemment exprimée : « Il est plus difficile d’être fidèle à sa maîtresse quand on est heureux que quand on en est maltraité, » elle donne ailleurs son assentiment, et elle ajoute, en femme qui a connu l’art de ménager les hommes : « Vrai, parce qu’il n’y a plus de barrière d’espérance qui puisse arrêter. » Peut-être était-ce une barrière d’espérance qui pendant plusieurs années lui avait servi à arrêter La Rochefoucauld.
Ce ne sont pas seulement des éloges ou des contradictions que suggère à Mme de La Fayette cette révision des Maximes. Elle propose aussi des variantes ou elle ajoute des commentaires. Si ces variantes n’ont pas la force des Maximes, elles ne leur cèdent en rien pour la finesse et parfois la profondeur. Les unes sont de simple style. En place de la maxime célèbre : « La bonne grâce est au corps ce que le bon sens est à l’esprit, » elle propose, non sans raison : « La bonne grâce est au corps ce que la délicatesse est à l’esprit. » D’autres ont parfois plus de portée et sont d’un tour aussi heureux, suivant moi du moins, que les maximes auxquelles elles répondent. Ainsi, les deux suivantes :
Maxime CXXXV : « On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres. » Remarque : « Vrai ; on court souvent des hasards avec soi-même comme avec les autres. »
Maxime CLXXXVIII : « La santé de l’âme n’est pas plus assurée que celle du corps. » Remarque : « Vrai ; l’âme a ses crises comme le corps. »
D’autres enfin sont intéressantes par le sentiment qui les a dictées, et parce qu’elles sont d’accord avec la nature morale de Mme de La Fayette. C’est ainsi qu’elle prendra la défense de la raison, la divine raison, contre la maxime CCCCLXIX : « On ne souhaite jamais si ardemment ce qu’on ne souhaite que par raison. » — « Faux en quelque façon, dira-t-elle, parce qu’il arrive quelquefois que l’on s’abandonne entièrement à la raison. » Elle prendra aussi, du même coup, la défense de la dévotion et celle de l’amitié. A la maxime CCCCXXVII : « La plupart des amis dégoûtent de l’amitié, et la plupart des dévots dégoûtent de la dévotion, » elle fera cette double réponse : « Parce que la plupart prennent l’une et l’autre à gauche ; c’est peut-être aussi à cause que personne n’entend ni la dévotion, ni l’amitié. » Mais les annotations les plus piquantes sont celles où elle dialogue, en quelque sorte, avec La Rochefoucauld à propos des femmes et de l’amour. Point de pruderie. Dans ce monde de Mme de Sévigné, on ne s’en piquait guère. Pour avoir pris plaisir au Grand Cyrus, Mme de La Fayette n’en sait pas moins de quoi, la plupart du temps, retourne l’amour. Elle complétera la maxime CCCCXL : « Ce qui fait que la plupart des femmes