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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/129

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hellénique. Son frère Auguste-Guillaume compose des poésies lyriques qui veulent être grecques, non-seulement par le rythme, mais par l’inspiration et le choix des sujets. Telles sont, entre autres, les odes intitulées Arion et l’Art des Grecs, « ce que j’ai encore lu de plus antique en allemand, » dit Frédéric Schlegel, avec une admiration qui peut s’excuser chez un frère. Hölderlin, l’ami et le confident de Hegel, est pour ainsi dire ivre de l’antiquité classique. Il reproche amèrement à ses compatriotes de n’être pas des Hellènes. Il souffre trop de vivre dans un monde barbare, qui ne sait plus comprendre et goûter la beauté pure. Continuellement froissé par les rudes contacts auxquels il ne peut s’habituer, il tombe dans la mélancolie, et meurt jeune. Son roman Hypérion, — dont le héros, naturellement, est un Grec, — témoigne presque à chaque page de cet enthousiasme naïf et exalté, qui ferait sourire si l’on n’en respectait la sincérité. L’excès n’en était pas moins désobligeant pour les écrivains contemporains. Schiller n’est certes pas suspect d’irrévérence, et ses œuvres témoignent assez de son respect religieux pour les anciens. Mais les exagérations idolâtres des romantiques l’impatientent. Attaqué par Frédéric Schlegel dans un article plein d’impertinences, il riposte par des épigrammes : « À peine, dit-il, sommes-nous débarrassés de la fièvre froide de la gallomanie, voici que se déclare la fièvre chaude de la grécomanie… La Grèce, qu’était-elle donc ? Raison, mesure, clarté. Ainsi, un peu de patience, messieurs, avant de nous parler de la Grèce. »

Les romantiques allemands ne sont donc pas ce que seront bientôt les romantiques français, les derniers venus dans la lutte séculaire des anciens et des modernes, les plus farouches ennemis de l’antiquité classique : jamais elle n’eut, au contraire, d’admirateurs plus indiscrets. Et leur dévotion ne s’arrête pas à un culte platonique. Ils lisent assidûment les anciens, ils en sont nourris jusqu’aux moelles. Platon est leur philosophe, Pindare leur lyrique, Eschyle et Sophocle leurs tragiques, Aristophane, « le modèle de la moralité dans la poésie comique. » Le fait s’explique sans peine, si l’on remonte à l’éducation littéraire que les romantiques avaient reçue. Tous ou presque tous se sont formés à l’école de Lessing et de Winckelmann. Or Lessing n’avait pas seulement donné à la littérature allemande moderne les premiers modèles de sa prose et de son théâtre. Élève d’Ernesti et de Christ, il avait fait aussi œuvre de philologue : ses travaux sur l’antiquité sont d’un érudit sagace et enthousiaste. Même dans la Dramaturgie, il en appelle volontiers aux anciens. Il ne manque pas, à l’occasion, de montrer que les auteurs français ont mal entendu la théorie aristotélicienne de