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l’industrie du moulinage français. Le nombre des usines serait de 708, possédant 263,000 tavelles et 122,000 fuseaux. Le syndicat général des mouliniers estime ces chiffres inférieurs à la réalité. Il porte le nombre des moulinages à plus de 800, possédant 300,000 tavelles et près de 3 millions de fuseaux. Le nombre des ouvriers et ouvrières serait de 40,000 dispersés principalement dans l’Ardèche, la Drôme, le Gard, l’Isère, la Loire, le Rhône et Vaucluse ; quinze autres départemens possèdent également des moulinages, mais isolés et d’une moindre importance.

On ne peut pas dire que le moulinage français soit en décadence, puisque, de 1849 à 1854, sa production n’était que de 2,600,000 kilogrammes de soie, et qu’en 1890 le syndicat général de cette industrie évalue sa production à plus de 4 millions de kilogrammes. Cependant nos mouliniers se plaignent de la concurrence des moulinages italiens, et, d’autre part, dans la discussion parlementaire de 1889 sur les traités de commerce, les députés de l’Ardèche et de la Drôme ont affirmé que le nombre des ouvriers et des ouvrières avait diminué. C’est que là, comme ailleurs, les progrès de la mécanique ont permis de produire davantage, sans augmentation et même avec une diminution de la main-d’œuvre. Ainsi, de 1885 à 1888, le moulinage aurait perdu près de 100,000 tavelles, et sa production de soie s’est développée, la production de chaque tavelle ayant presque doublé, soit par l’accroissement de la vitesse du travail, soit par le fait de la perfection plus grande des soies grèges.

Les soies françaises et asiatiques se sont améliorées, elles ont été mieux filées, et le moulinage a été rendu plus facile. Des tavelles qui ne produisaient que 50 kilogrammes de soie ont pu en produire 100 kilogrammes avec les soies du Japon et de la Chine. Il est vrai qu’un certain nombre d’usines sont restées pendant plusieurs années en chômage, comme l’a fait observer M. le sénateur Loubet, mais cette situation n’était point particulière au moulinage français. A la même époque, près de 200,000 tavelles italiennes étaient inactives. L’Industria serica, de Turin, se plaignait que 35 moulinages italiens fussent fermés et que 57 ne travaillassent qu’avec des approvisionnemens très réduits.

Les mouliniers font remarquer qu’ils sont dans une situation beaucoup plus difficile que leurs concurrens d’Italie, à cause du prix de la main-d’œuvre plus élevé en France, mais on peut citer des localités où le moulinage français a des salaires très faibles et travaille sur des soies asiatiques, qu’il livre au même prix que les moulinages italiens. Un seul fait paraît certain, c’est que, dans cette industrie comme dans beaucoup d’autres, les petits