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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/190

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établissemens sont trop nombreux, ont des frais généraux trop élevés, une comptabilité insuffisante, et luttent avec peine contre les grandes usines mieux outillées, plus indépendantes comme capitaux, et ayant la force motrice et le travail à meilleur marché.

Le moulinage français réclame un droit protecteur de à francs sur les soies ouvrées, on peut le lui accorder. Ce droit ne gênera personne, car depuis dix ans, les importations de soies ouvrées en France vont en décroissant. De près d’un million de kilogrammes qu’elles atteignaient de 1880 à 1884, elles sont tombées dans ces dernières années à moins de 400,000 kilogrammes. En outre, le nombre des mouliniers est si considérable que la concurrence intérieure suffira toujours à maintenir des prix normaux.

Une entente nous paraît donc facile sur ce droit de 4 francs entre les moulinages et les tissages, puisqu’il s’agit moins d’une protection pour le présent que de mesures préventives contre un péril à venir.

Nous avons démontré que nos producteurs de soie pouvaient se relever et supporter longtemps encore les concurrences asiatiques et italiennes sans recourir à des droits protecteurs sur les cocons et sur les soies grèges. Nous allons examiner maintenant quelles sont les conditions présentes des industries françaises qui emploient la soie et quelle serait la répercussion sur ces industries des droits proposés par les sériciculteurs.


III. — LE TISSAGE ET LES INDUSTRIES ANNEXES.

Les fabriques françaises de soierie ont-elles conservé leur ancienne prospérité ou subissent-elles un inévitable déclin ? Les avis les plus divers ont été exprimés sur ce point. La vérité paraît être que nos tissages produisent dans des conditions beaucoup plus difficiles qu’autrefois et avec des bénéfices réduits. Toutefois leur production n’a pas diminué, et elle représente encore plus du tiers de la production de l’industrie de la soie dans le monde entier. M. Pariset, dans son savant ouvrage paru au commencement de cette année, évalue à 600 millions de francs la valeur de la production totale des soieries françaises et à 230,000 le nombre des métiers qu’elles occupent. La fabrique lyonnaise compte à elle seule plus de 90,000 métiers dont 25,000 mécaniques qui représentent une production de 4 métiers à la main. Ces métiers, dont la valeur est d’une centaine de millions de francs, sont dispersés dans plus de quatorze départemens et nourrissent une population de près de 200,000 personnes : dessinateurs, tisseurs, ourdisseuses, dévideuses, canneteuses, teinturiers, apprêteurs, plieurs, cartonniers,