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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/24

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Chacun, en défendant ses droits, jalousait ceux des autres. Les jésuites avaient été comblés. Le saint pape Pie V leur avait accordé tous les privilèges passés, présens et futurs qu’ont obtenus et qu’obtiendront jamais les mendians de toutes les couleurs, de tous les degrés et de tous les sexes, tout ce qu’on avait donné de prérogatives, d’immunités, d’exemptions, de facultés, de concessions, d’induites, d’indulgences, de grâces spirituelles et temporelles, de bulles apostoliques, sans en rien oublier, ou qu’on pourrait donner à l’avenir à leurs congrégations, couvens et chapitres, à leurs personnes, hommes ou filles, à leurs monastères ou maisons hospitalières et autres lieux, la société devait les avoir ipso fado, sans autres concessions particulières. Grégoire XIII est allé plus loin encore et a accumulé dans une bulle tous les privilèges qu’il soit possible d’imaginer pour en inonder les jésuites.

Les jésuites causaient d’autres alarmes. Ils prétendaient vivre d’aumônes. « Considéré la malice des temps auxquels la charité est bien fort refroidie, d’autant qu’il y a beaucoup de monastères et maisons, déjà reçues et approuvées, qui vivent et s’entretiennent des dites aumônes, auxquelles cette nouvelle société ferait grand tort ; c’est à savoir les Quatre-Mendians, les Quinze-Vingts et les Repenties. Mêmement ils feraient tort aux hôpitaux et maisons-dieu et aux pauvres qui sont en iceux. »

Les jésuites, pour ces motifs, paraissaient plus nuisibles qu’utiles.

« Car, comme une prébende ou un bénéfice sont infructueux à celui qui les possède, lorsque les charges en excèdent le revenu, on peut dire aussi qu’un ordre religieux est infructueux à l’Église quand il lui apporte plus de dommage que de profit, principalement quand il se rencontre que plusieurs autres religieux et ordres ecclésiastiques peuvent lui être aussi utiles sans lui être aussi préjudiciables. »

Les universités, se croyant capables et dignes d’instruire la jeunesse, ne toléraient pas qu’on les y aidât. Les collèges des jésuites faisaient offense à « cette fille aînée de nos rois, cette vierge pudique, cette fleurissante pucelle, perle unique du monde, diamant de la France, escarboucle du royaume, une des fleurs de lys de Paris, la plus blanche de toutes, » pour être plus clair, à l’Université de Paris. Elle ne le pardonnait pas. Les jésuites prospéraient cependant ; les donations s’ajoutaient aux aumônes, ils pouvaient agrandir et orner leurs collèges ; les attaques redoublaient, comme s’ils étaient, disaient-ils, fort punissables pour essayer de loger commodément en leurs collèges les princes, les seigneurs et toute la jeunesse de bonne naissance que les parens mettaient entre leurs mains.