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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/25

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« Quel droit, répliquait l’université de Paris, avez-vous de vouloir vous agrandir tous les jours à nos despens et par des monopoles continuels sur nos collèges ? Parce que vous avez eu assez de succès dans vos intrigues pour vous faire confier la direction des études de quelques enfans de naissance. Les larcins cessent-ils d’être des larcins lorsqu’ils ont été précédés par des usurpations ?

« Mais que direz-vous du collège de Marmoutiers que vous paraissez avoir plutôt acheté pour rassasier votre cupidité sordide que pour loger plus commodément vos écoliers ? Les charcutiers, les vendeurs de bière, les menuisiers et autres artisans vils et mécaniques qui l’occupent, sont-ce des princes, des seigneurs et des gens de bonne naissance que vous êtes obligés de loger commodément ? Quelle sone de leçons laites-vous à ces jeunes gens si éloignés de votre profession ? »

C’est, au début, une querelle de boutique ; on ne prend pas souci de la cacher. La rivalité des intérêts devint bientôt le plus petit côté de la question, mais tout s’enchaîne et tout se tient. Le charlatan de la satire Ménippée a appris à Tolède, au collège des jésuites, que le catholicon simple de Rome n’a d’autres effets que d’édifier les âmes et causer salut et béatitude en l’autre monde seulement ; se fâchant d’un si long terme, il s’est avisé de sophistiquer ce catholicon, si bien qu’à force de le manier, remuer, alambiquer, calciner et sublimer, il a composé dedans ce collège un électuaire souverain qui surpasse toute pierre philosophale. C’est un savon qui efface tout. Qu’un roi casanier s’amuse à affiner cette drogue en son Escurial, qu’il écrive un mot en Flandre au Père Ignace, cacheté de catholicon, il lui trouvera homme lige et (salva conscientia) assassinera son ennemi qu’il n’a pu vaincre par armes en vingt ans.

On accusait les jésuites, personne ne l’ignorait alors, d’enseigner qu’on peut tuer les rois, s’ils deviennent criminels. L’un des leurs a même poussé l’irrévérence jusqu’à écrire ces lignes souvent reprochées avec une horreur affectée ou sincère :

« Si un prince usait de violence pour ôter la vie à un de ses sujets, ce sujet pourrait se défendre, quand la mort du prince s’ensuivrait, » et l’auteur osait ajouter : Nos omnes in hac causa unum sumus.

Qui pouvait tolérer une telle atteinte à la majesté des rois, un tel oubli de la sainte onction qui les protégeait alors ?

On lit dans un factum des curés de Paris attribué à Pascal et inséré dans le recueil de ses Œuvres :

« Si on considère les conséquences de cette maxime, que c’est à la raison naturelle de discerner quand il est permis, pour se dé-