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faut donc que l’instruction secondaire soit organisée de manière à développer toutes les facultés qui seront aussi indispensables à l’ingénieur qu’au médecin, au financier, au magistrat ou au grand agronome. Quand on a reçu une forte instruction fondamentale en littérature, en sciences et en philosophie, on peut choisir ensuite une profession aussi bien qu’une autre, et on fait alors un choix éclairé. L’acquisition des connaissances professionnelles se fera vite si on possède à fond les connaissances générales.

En somme, pour sauvegarder l’unité nationale, l’enseignement classique doit être un lui-même et animé d’un esprit unique. Il ne doit admettre, dans les deux dernières années, que quelques « équivalences » dont nous parlerons plus loin, sur des points tout à fait secondaires et sur des détails ; encore faut-il que ces équivalences soient réelles, rigoureusement établies et rigoureusement limitées. Elles auront moins une valeur qualitative que quantitative, c’est-à-dire qu’elles porteront sur la quantité plus ou moins grande d’instruction particulière et de connaissances particulières à acquérir, non sur les études qui, au point de vue de l’éducation individuelle et du progrès national, sont caractéristiques de l’enseignement secondaire.

Maintenant se pose une autre question. Quelle doit être, par rapport à la population entière d’une contrée, l’étendue de l’enseignement classique et vraiment libéral, c’est-à-dire le nombre d’individus auxquels il est nécessaire de le fournir ? — Ce sont, d’une manière générale, ceux qui, par leur fortune ou par leur profession, feront partie de la classe dirigeante ; or, cette classe varie selon les pays et selon les formes de gouvernement. Elle est évidemment plus nombreuse dans les démocraties, où ce n’est plus la noblesse, mais la bourgeoisie aisée et influente qui devient la directrice du mouvement national. Chez nous, l’enseignement secondaire doit donc s’adresser à tous ceux qui ont assez de temps devant eux et assez d’argent pour pouvoir faire des études classiques. Il faut encore, sans doute, une certaine capacité moyenne, mais les incapacités absolues sont bien rares.

Ceux qui, contrairement à ce principe, veulent restreindre