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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/27

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tiques. Tous ces faux soupçons me font connaître que je n’ai pas mal réussi dans le dessein que j’ai eu de n’être connu que de vous. »

« Personne ne peut nier, disait-on dans l’un des factums auxquels il fait allusion, que l’auteur des lettres qui courent aujourd’hui et font tant de bruit dans le monde, ne soit un janséniste ; si toutefois c’est un homme et non pas le parti tout entier à qui, si on demandait son nom comme le Sauveur le demanda au démon, il répondrait comme lui : Le nom que je porte est légion. Qu’il soit un homme ou non, les lettres sont dignes du feu aussi bien que l’auteur, et ses bénéfices, s’il en a, sont vacans. »

Un auteur anonyme écrivait : « Un chrétien ne profère pas d’injures ; il ne sait et ne veut dire que la vérité. En appelant l’auteur des Provinciales imposteur et calomniateur, il ne peut rien lui dire de plus véritable et de plus doux ; et, qui ferait passer cela pour un injure croirait que saint Paul aurait été injurieux pour ceux de Candie lorsqu’il les appela menteurs, mauvaises bêtes et ventres paresseux. »

Cette plaisanterie facile n’est pas rare dans les polémiques religieuses. Brisacier écrivait : « Vous êtes, en vérité nonobstant toutes vos oppositions, des sectaires, des prélats du démon et des portes d’enfer ; ce sont des titres que je ne vous donne pas par forme d’injure, mais par nécessité ; vous m’y obligez ; en sorte que je ne pourrais vous ôter ces qualités par ma réponse et ma défense sans faire injure à la vérité. »

On peut supposer que tous deux ont imité Jean Palafox de Mendoza qui, dix ans avant, en 1649, désignait ainsi la société de Jésus, en la dénonçant au pape Innocent X : « Ces religieux que j’ai aimés d’abord en Notre-Seigneur comme étant mes amis, et que j’aime aujourd’hui plus ardemment par l’esprit du même Seigneur comme étant mes ennemis. » — Qu’ils ne s’imaginent point, disait d’un autre côté un adversaire de la société de Jésus, qu’on se soit amusé à ramasser toutes les différentes pièces qui composent ce recueil dans le dessein de les décrier et de leur nuire. On prend Dieu à témoin que l’on n’y a été poussé que par la charité que l’on a pour eux et par la douleur sincère que l’on a de les voir dans de si malheureux engagemens. Cette plaisanterie, qui s’alourdit en vieillissant, se rencontre dans les deux camps.

« Pour cet impie secrétaire (c’est Pascal), écrivait un autre adversaire, il devrait craindre ce qu’autrefois on pratiquait à Lyon envers ceux qui avaient composé de méchantes pièces, on les conduisait sur le pont et on les précipitait dans le Rhône. Le malheur seul des temps le sauve de la punition méritée. »