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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/26

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fendre, de tuer son prochain, et qu’on y ajoute les maximes exécrables des docteurs très graves qui, par leur raison naturelle, ont trouvé qu’il était permis de commettre d’étranges parricides contre les personnes les plus inviolables, en certaines occasions, on verra que, si nous nous taisions après cela, nous serions indignes de notre mission. »

Les jésuites aspirent moins à la perfection morale qu’à la gloire de contribuer par habileté ou par force à la gloire de Dieu, c’est-à-dire au triomphe de l’Église. Ils veulent faire tous les hommes enfans de l’Église et assujettir tous les enfans de l’Église à l’observance de ses commandemens. Ils donnent, sans en convenir formellement, le premier rang aux pratiques extérieures, elles sont de bon exemple, en attendant le reste. Pour les imposer à tous, ils ne négligent rien, ne reculent devant rien et n’en font pas secret. Ils se mêlent de tout, jusqu’à aspirer au gouvernement de l’État, non pour le bien des affaires, pour le mal moins encore, leur dessein est ailleurs ; ils se croient suscités de Dieu pour combattre l’irréligion et vaincre l’hérésie. Cela peut les conduire loin du vrai, du juste et du bien. Ceux qui, dans la vie voyant une grande bataille, se font soldats d’une armée, risquent de devenir, s’ils sont sincères, en politique de consciencieux criminels, en religion de funestes sectaires ; s’ils sont hypocrites, on ne peut les mépriser assez. L’injustice, le mensonge, la calomnie, la persécution, sont les armes auxquelles on se dit réduit ; on le déplore, mais on n’a pas le choix. On est engagé, il faut bien vaincre ! C’est là qu’est le sophisme.

Les jésuites se disent chevaliers du Christ et de la Vierge ; comme les Templiers, ils font la guerre. La guerre n’est pas le fait d’un chrétien. Les Templiers portaient casque et cuirasse ; en applaudissant à leurs coups de lance on oubliait volontiers leurs vœux religieux. L’habit des jésuites interdit les combats. La ruse, quoi qu’en ait dit Royer-Collard, n’est pas sœur de la force, pas même de sa famille. Les inquisiteurs aussi manient des armes terribles, ils en sont fiers ; leur conscience est tranquille, ils n’ont rien à cacher. La conscience des jésuites est tranquille également, mais ils cachent leur action et la nient. La conséquence est inévitable. La haine est pour les autres, pour eux le mépris.

L’éclat des petites lettres attirait les attaques. On s’irritait, en insultant l’auteur, de ne rien connaître de lui.

« Vous ne pensiez pas, dit Pascal, que personne eût la curiosité de savoir qui nous sommes, cependant il y a des gens qui essaient de le deviner ; mais ils rencontrent mal. Les uns me prennent pour docteur de Sorbonne, les autres attribuent les lettres à quatre ou cinq personnes qui, comme moi, ne sont ni pères ni ecclésias-