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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/30

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leur source. « J’aurais pu, dit Du Moulin, ajouter mille préceptes vilains et infâmes touchant interrogations impudiques et curieuses que font les confesseurs et les définitions touchant les cas de conscience. L’honnêteté ne l’a pas permis, et je n’ai pas voulu souiller mon livre de si vilains préceptes qui enseignent le vice sous ombre de le reprendre et de s’en enquester. » Pascal, bien différent de Du Moulin, ne prétendait nullement discréditer la confession.

« Nous haïssons la vérité, a-t-il écrit plus tard, en voici une preuve qui me fait horreur. La religion catholique n’oblige pas à découvrir ses péchés indifféremment à tout le monde ; elle souffre qu’on demeure caché à tous les autres hommes, mais elle en excepte un seul à qui elle commande de découvrir le fond du cœur et de se faire voir tel qu’on est. Il n’y a que ce seul homme au monde qu’elle nous ordonne de désabuser, et elle l’oblige à un secret inviolable qui fait que cette connaissance est dans lui comme si elle n’y était pas. Peut-on imaginer rien de plus charitable et de plus doux ? Et néanmoins la corruption de l’homme est telle, qu’il trouve encore de la dureté dans cette loi, et c’est une des principales raisons qui a fait révolter contre l’Église une grande partie de l’Europe. Que le cœur de l’homme est injuste et déraisonnable, pour trouver mauvais qu’on l’oblige de faire à l’égard d’un homme ce qu’il serait juste en quelque sorte qu’il fit à l’égard de tous les hommes ! Car est-il juste que nous les trompions ? »

Les jésuites, pour Pascal, sont seuls en cause, mais ils le sont tous ; toute pensée, Pascal le dit nettement, toute opinion imprimée sous le nom de l’un des trente mille jésuites soumis au général résidant à Rome est celle de la société. Les supérieurs l’ont approuvée, cela suffit. Si l’opinion contraire, comme il est arrivé quelquefois, est produite ailleurs, ou en un autre temps, sous le nom d’un autre jésuite, peu importe, la société a deux opinions, voilà tout ; sur l’une, au moins, elle mérite le blâme. Il n’est pas téméraire, en acceptant cette thèse pour les jésuites, de chercher, dans les livres de Navarrus, de Médina et de Silvestre, l’opinion des dominicains ; dans ceux de Clavasio, celle des franciscains, dans saint Thomas, dans saint Augustin et dans saint Charles Borromée, dans saint Liguori même, quoiqu’ils ne paraissent pas toujours d’accord, la doctrine de l’Église qui les a canonisés. Du Moulin n’y manque pas ; c’est son droit. Pascal, en s’y refusant, a deux poids et deux mesures.

Les Provinciales, dans plus d’une page, quelquefois en français, plus souvent en latin, touchent à l’indécence. Chez un classique, on accepte tout, on ne mutile pas un chef-d’œuvre. Du Moulin doit être expurgé. L’encre rougirait, comme dit saint Augustin, si l’on voulait reproduire aujourd’hui ce qu’un ministre de l’Évangile im-