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primait en langue française en 1631. Il aurait pu dire, comme Pascal, aux auteurs qu’il cite : « J’ai exposé simplement vos passages sans y faire presque de réflexion ; que si on est excité à rire, c’est que les sujets y portent d’eux-mêmes, car qu’y a-t-il de plus propre à exciter le rire que de voir une chose aussi grave que la morale chrétienne remplie d’imaginations aussi grotesques que les vôtres ? »

Du Moulin, éloquent à sa manière, se borne à citer. Il ne veut pas composer un livre, mais réunir les pièces d’un procès :

« Celui qui, ayant voué d’entrer en religion, puis après, avant que d’accomplir son vœu, couche avec une fille sous promesse de l’épouser, ne doit pas garder la promesse à la fille, mais accomplir son vœu. »

Telle est la décision du dominicain Navarrus. Dans un auteur jésuite, Pascal en aurait tiré parti. Il ne serait pas difficile de l’y rencontrer. Les casuistes se copient souvent, mais en introduisant des variantes. Le jésuite Leyman traite le cas d’une fille chrétienne qui a fait vœu d’entrer en religion, s’il lui arrive de pécher contre la pureté. Cela lui arrive. Que doit-elle faire ? La question est plus complexe qu’elle n’en a l’air. Revenons à Du Moulin.

« Celui-là n’est pas meurtrier qui, par zèle pour notre mère sainte l’Eglise, tue un excommunié. »

La décision est du pape Urbain V.

« Une courtisane ne fait pas mal de recevoir de l’argent pour salaire parce que, par droit humain, sa profession est permise. »

La décision est de saint Thomas.

« Le pape fait bien de permettre à Rome les maisons de prostitution. »

Le pénitencier du pape en donne une raison bien singulière : « Le pape, en ce faisant, imite Dieu ! » La pensée veut qu’on l’explique. Laissons parler le dominicain Navarrus.

« C’est en permettant les moindres maux pour éviter les grands. »

Navarrus ici s’éloigne de saint Augustin. « Dieu, dit ce saint docteur, doit agir en Dieu et l’homme en homme. Dieu agit en Dieu lorsqu’il agit comme une cause première, toute-puissante et universelle, qui fait servir au bien commun ce que les causes particulières veulent et opèrent de bien et de mal ; mais l’homme, dont la faiblesse ne peut faire dominer le bien, doit empêcher tout le mal qu’il peut. »

Dieu qui conduit les âmes sans leur montrer où il tend, permet, suivant Navarrus, et veut par conséquent, l’existence du mal ici-bas. Il a ses raisons qu’il faut croire bonnes ; or, pour chaque