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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/303

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à l’autorité qu’ont eue dans leur temps des hommes qui se nommaient Errard, Vleughels, de Troy, Vien, Guérin et Ingres. La correspondance officielle, si explicite qu’elle soit, ne serait peut-être pas suffisante pour éclairer cette partie du sujet. Il faudrait consulter les dépôts des ministères et les procès-verbaux de nos académies de beaux-arts, puiser dans mille écrits épars. On arriverait ainsi à rétablir par périodes les annales des hautes études. Ce serait l’histoire des directorats, de magistratures ayant eu chacune un caractère et parfois un éclat particuliers, une suite de tableaux animés par des portraits. Le mérite de ce nouveau livre, que quelqu’un, j’en suis sûr, aura la pensée d’écrire, serait de nous montrer l’école de Rome par ses côtés vivans. On la verrait, non pas vouée à l’immobilité, mais poursuivant l’objet permanent qui lui est assigné au milieu des conditions changeantes que lui font les hommes ; continuellement renouvelée par l’esprit des générations qui s’y succèdent et le détail de ses règlemens.

La notice que je présente ici est une biographie ; elle ne saurait figurer dans le cadre que je viens de tracer. Elle y rentre cependant par plus d’un côté, car il s’agit d’un directeur de l’école de Rome ; et quoique les affaires de l’académie ne soient que des épisodes de mon récit, elles en sont cependant une partie importante. En réalité, l’idée du travail que j’entreprends m’est venue des souvenirs que j’ai gardés de mon séjour à la villa Médicis. Ce temps, heureux en partie, fut aussi plein de trouble et traversé par des événemens d’une extrême gravité. Il embrasse les cinq années qui se sont écoulées depuis les premiers mois de 1846 jusqu’à la fin de 1850, de la mort de Grégoire XVI à la restauration de Pie IX après l’occupation de Rome par les Français. L’académie s’est trouvée alors au milieu de circonstances difficiles, périlleuses ; et si elle les a honorablement traversées, elle le doit à l’artiste, à l’homme de cœur qui la dirigeait. Ce directeur était M. Jean Alaux. Cependant son nom paraît oublié. Sa conduite pendant les épreuves que nous avons subies n’a jamais été, ni officiellement louée, ni seulement signalée. Ce silence ingrat m’a toujours été pénible. Mais ce n’est pas tout : son talent même pourrait être méconnu, ce qui serait souverainement injuste. De là m’est venue la pensée de dire ce qu’a été sa carrière et au milieu de quel concours d’idées et de faits elle s’est poursuivie. Les événemens et les mouvemens d’opinion auxquels a été mêlée cette vie méritante sont, à plus d’un titre, dignes d’intérêt. D’ailleurs, cet artiste distingué, ce directeur plein de dévoûment et de courage, était le meilleur des hommes, et, de ce fait aussi, j’ai pu le connaître et l’apprécier. Aussi ai-je toujours eu pour lui attachement et respect.