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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/305

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elle était organisée sur le modèle de l’académie royale de peinture et de sculpture. Fondée en 1768, elle ne reçut ses lettres patentes que quatorze ans après. Mais elle s’était mise à l’œuvre sans attendre. Un conseiller au parlement du nom de Bel lui avait légué sa maison : elle y tenait ses assemblées. Elle avait son école avec un directeur, des recteurs et toute la hiérarchie d’officiers et de membres que possédait son aînée. Dès 1771, elle eut ses salons, dont plusieurs livrets ont été récemment publiés par M. Charles Marionneau, correspondant de l’Institut. À Bordeaux, les talens et les vocations étaient assurés de trouver des encouragemens efficaces.

Les académies de province étaient alors affiliées aux académies de Paris et elles en étaient fières. Mais elles restaient provinciales et mettaient la plus grande ardeur à se distinguer là même où elles s’étaient formées. Elles travaillaient ainsi à maintenir et à développer les dons que chaque contrée de la France devait au génie de la race qui l’habitait et à des traditions séculaires. Elles étaient ainsi les foyers très actifs d’un patriotisme local éclairé. Parmi leurs membres elles comptaient des hommes de talent et aussi de grand caractère. Lorsque les académies furent supprimées en 1793, plusieurs de ces dignes artistes maintinrent sous leur responsabilité, et, au premier moment, à leurs frais les écoles académiques. Ce que François Devosges faisait à Dijon, un autre peintre nommé Pierre Lacour réussit à le faire à Bordeaux. Il continua, en enseignant son art, l’œuvre de la compagnie dont il avait été un des membres les plus distingués.

On me permettra de dire quelques mots de ce professeur dévoué. De Lacour, Delacour ou Lacour, comme il signa à partir de 1793, avait fait à Paris de bonnes études. Élève de Vien, il avait remporté un second prix de Rome en 1769. Après avoir obtenu ce succès, il était allé se perfectionner en Italie où il avait passé trois ans. Il en était revenu avec son talent varié, sérieux, mais qui semble un peu sec. C’est ce que l’on peut conclure de plusieurs tableaux de lui qui se voient maintenant au musée de Bordeaux. Dans le nombre cependant, il faut signaler le portrait d’un amateur du pays, François-Louis Doucet, qui est de tout point une œuvre remarquable. Homme du monde et lettré, ayant bien mérité des arts qu’il exerçait avec succès, Lacour était fort considéré. Lors de la création de l’Institut, il fut nommé associé non résident de la classe de littérature et des beaux-arts ; et en 1804 ses compatriotes le placèrent à la tête de l’école de dessin et de peinture de la ville, dont il resta directeur jusqu’à sa mort, arrivée en 1814. Je croyais trouver, au musée ou à l’école de Bordeaux, quelque inscription destinée à consacrer ces souvenirs ; mais je l’ai vainement cherchée.

M. Jean Alaux reçut de son père, sinon les premières leçons, du