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moins les premiers exemples. Mais son véritable maître fut Lacour. Celui-ci avait le don d’enseigner et il a formé plusieurs élèves qui se distinguèrent alors dans les grands concours : Léon Pallières, qui précéda M. Alaux à Paris et à Rome, et Monvoisin, qui l’y suivit. Il est certain qu’il avait porté les études à un niveau élevé, puisque M. Alaux, l’année même de son arrivée à Paris, fut honorablement admis à l’École spéciale de peinture et de sculpture qui était alors l’école des beaux-arts. C’était en 1807.

Je voudrais essayer de montrer ce qu’était à cette époque l’enseignement de l’art. On ne le sait que d’une manière incomplète. On est disposé à croire que, vers la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci, le peintre Louis David régnait sans conteste et que tout se taisait autour de lui. Cette idée n’est pas absolument exacte. Certes l’autorité du maître était prépondérante, et elle lui était assurée par la supériorité de son talent ; mais il n’eut jamais raison de ses adversaires dans lesquels s’incarnait la tradition de l’ancienne académie. Plus que jamais, en 1807, il les trouvait en face de lui. Malgré sa situation et son mérite, il n’eut jamais victoire gagnée ; aussi resta-t-il toujours militant. De là ses déclamations et ses emportemens, son ton de persécuté quand il professait ses théories. Pour lui résister, ses contradicteurs n’avaient pas son génie. Qu’opposaient-ils donc à ses doctrines ? Au fond ce n’étaient pas des idées absolument contraires, mais seulement des tempéramens, et des raisons qui sont encore celles d’après lesquelles nous critiquons David tout en l’admirant.

L’école de David eut un déclin rapide, et l’école qu’elle avait entrepris d’extirper lui a survécu et subsiste encore. Elle n’a point échappé à son influence, mais elle n’a pas subi sa tyrannie. Après lui, elle a vu passer d’autres grands artistes qui ont été, eux aussi, des individualités brillantes et des exceptions. Cependant l’évolution du génie national n’en a pas été précipitée. Les traditions de raison et de mesure restent quand même celles de l’école française, qui leur doit le privilège qu’elle a d’être entre toutes une école enseignante. Au fond, ce sont les traditions des deux derniers siècles. Le goût n’est plus le même ; la figure de l’art a changé, mais notre génie n’est pas encore devenu méconnaissable. On a beau le surmener et surtout le malmener, il fait encore bonne contenance. Oui, nous aimons les talens excessifs et nous applaudissons sans réserve aux plus audacieux ; mais ceux-là ne se transmettent pas et notre vraie force est dans un équilibre que rien n’empêche d’enfreindre, mais auquel une force secrète nous ramène toujours.

Lorsque M. Alaux vint à Paris pour perfectionner son talent, David était à l’apogée de sa gloire. On approchait de l’exposition décennale dans laquelle le peintre des Sabines et du Sacre devait, au milieu