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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/313

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adversaires protestaient à bon droit contre de pareilles théories. Bien qu’un peu subjugués, ils se tournaient de toutes leurs forces vers la vérité. Ils lui rendaient hommage au moins dans leurs discours et ménageaient ainsi à l’école française un retour sincère à la nature. Telles étaient les idées qui divisaient l’enseignement et d’où naissait un violent antagonisme.

On le voit : avec de pareils élémens, les moyens d’étude que M. Alaux trouvait réunis à Paris étaient déjà considérables. Mais indépendamment des ateliers et de l’École, nous possédions, dans le musée Napoléon et dans le Musée des monumens français, deux incomparables réunions d’œuvres d’art. Le premier renfermait tous les chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture classique. Le second, établi dans l’ancien couvent des Petits-Augustins, avait recueilli et sauvé de la ruine les plus beaux spécimens de notre art national. Tous ceux qui ont vu cette collection rangée de la manière la plus méthodique et la plus pittoresque dans l’enceinte du monastère en ont conservé un grand souvenir. Ce fut le premier musée historique qui ait existé, et assurément le plus précieux de ceux que l’on a formés depuis, tous les morceaux qu’il renfermait étant des originaux. Il a puissamment contribué au développement d’une des plus grandes activités intellectuelles de notre siècle, en ouvrant la voie à l’étude combinée de l’art et de l’histoire.

On peut dire, enfin, que le théâtre était aussi une école pour les jeunes artistes. Jamais il n’avait exercé plus d’influence sur la peinture et sur la sculpture ; jamais il n’avait été plus en honneur. Monvel et Grandménil étaient membres de l’Académie des Beaux-Arts. Guérin résumait dans ses tableaux les tragédies de Racine. On allait voir Talma dans ses grands rôles, et quand, revêtu de la toge, le noble acteur apparaissait et se mouvait sur la scène en se livrant aux nobles inspirations de son génie, on l’admirait et on l’étudiait comme une œuvre d’art.

À ce moment, l’ardeur des artistes était donc extrême. La rivalité des maîtres et l’émulation des élèves produisaient, particulièrement dans la peinture, une activité passionnée. Déjà le Salon de 1808 avait été un événement : on y avait vu à la fois les Sabines et le tableau du Sacre. Mais quelle impression dut produire sur un jeune artiste, arrivé depuis peu de sa province, l’exposition décennale, qui réunissait aux derniers chefs-d’œuvre de David les plus beaux ouvrages de Girodet, de Gérard, de Gros, de Guérin et de Prud’hon ! Cette exposition provoqua l’enthousiasme, et les prix proposés par l’empereur excitèrent une ambition extraordinaire. Il est certain que l’art tenait alors une place considérable dans les activités de la nation. Les œuvres des artistes, comparées à celles des écrivains, jetaient un éclat supérieur. M. Guizot le remarquait au