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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/312

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rencontre à chaque pas dans les conférences de l’ancienne Académie. Bien avant 1765, Vien, qui passait déjà pour un novateur, Vien la proclamait dans son école et avait cherché à l’appliquer dans plusieurs de ses ouvrages. Il n’était encore question ni du Laocoon de Lessing, ni de l’Histoire de l’art de Winckelmann. Une autre influence avait tourné l’esprit de Vien vers ces spéculations : celle du comte de Caylus son protecteur. Caylus lui avait donné sur ce sujet les idées dont il était le véritable promoteur. Son action sur la renaissance classique du XVIIIe siècle est trop méconnue. Également passionné pour l’art et pour les antiquités, il fut le premier à marquer l’ascendant que les antiquaires allaient prendre sur les artistes.

Il y a bien des manières d’entendre l’imitation de l’antique et aussi l’imitation de la nature. Chacune de ces études embrasse un champ très vaste. Mais comment les associer toutes deux dans un travail unique ? Là est la difficulté. Et, en effet, comment réviser la nature à l’aide de l’antique sans lui retirer l’individualité et la vie ? comment introduire la nature dans l’antique, sans enlever à celui-ci son caractère idéal ? Deux siècles y avaient déjà mis leur effort. David, à son tour, aborda le problème. Mais sa tendance à considérer la forme indépendamment de l’idée, créait un danger. En effet, l’étude de l’antique nous conduit à reconnaître comment les anciens ont approprié la figure humaine à une grande variété de conceptions et à constater comment ils l’ont analysée. Notion de l’idéal et notion de la représentation de l’idéal par des formes adéquates à l’idée, voilà ce que l’on peut tirer de l’étude de l’antique. Mais, en dehors des sujets pour lesquels ils ont été créés, les canons grecs n’ont pas de raison d’être. Vouloir y ramener invariablement toutes les représentations figurées était une erreur. David pouvait se faire illusion sur son système et communiquer son illusion. Qu’il peignît les Sabines ou le Sacre, chacun de ses personnages était parfait. Ses ouvrages étaient admirables : son talent sauvait tout. Mais son école compromettait à la fois l’antique et la nature.

Bien que, vers 1807, il fût occupé à peindre la Distribution des aigles, il était toujours possédé de l’idée d’imiter les Grecs. Il l’avait déjà fait à sa manière dans le tableau des Sabines en traitant à la grecque un sujet romain. Il voulait y revenir dans son Léonidas, et il entendait même s’inspirer seulement de l’école antérieure à Phidias. Tout en exécutant les travaux officiels dont il était chargé, sa pensée ne se détachait point de cet objet. Ses conseils à son atelier se ressentaient de ses préoccupations constantes. La forme, la beauté de la forme passaient avant tout. L’expression était, selon lui, un écueil qu’il fallait redouter, car elle est propre à déranger l’ordre et la pureté des lignes et à produire la grimace. De là cet enseignement glacé que reçurent ses derniers élèves. Ses