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publications de ses amis Taylor et Nodier : les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. Il s’y montra paysagiste élégant et bon dessinateur d’architecture. Dans ce travail d’illustration il était le collaborateur de Fragonard, de Cicéri, de Bonington, de Granet et du baron Atthalin dont le talent est fort injustement oublié. La photographie n’existait pas alors. On faisait des dessins, mais toujours avec une certaine idée d’arrangement. Ils sont exacts sans doute ; cependant les moindres sont présentés non-seulement comme des documens, mais encore comme des œuvres d’art. Par là, ils sont d’accord avec le texte de l’ouvrage dans lequel l’imagination ne manque pas.

Le talent de M. Alaux allait bientôt trouver sa voie et donner sa véritable mesure. La création du musée de Versailles est, dans les annales de l’art français, un fait dont on n’apprécie pas suffisamment l’importance. La destination qui lui fut donnée dès le principe répondait à un besoin des esprits. Sa fondation coïncidait avec l’institution de la commission des monumens historiques et de comités ayant un objet analogue et qui existent encore. Ainsi les intérêts de l’histoire et l’histoire elle-même devenaient un intérêt public et se trouvaient représentés dans les services de l’État. L’idée d’établir un musée historique sur un plan aussi vaste était nouvelle. A la fin du règne de Louis XVI, le surintendant d’Angivilliers avait bien eu en vue la formation d’une galerie dans laquelle les faits mémorables de notre histoire eussent été représentés. Tous les ans, quatre tableaux devaient être commandés dans cette intention aux meilleurs artistes. Ce projet était en cours d’exécution au moment de la révolution. Sous l’empire, à l’occasion de l’exposition décennale, on voit que tout un ordre de récompenses avait été prévu en faveur des « ouvrages représentant des sujets honorables pour la nation. » Mais il ne semble pas que l’on ait eu la pensée de les réunir un jour. La conception du musée de Versailles était donc originale et elle avait de la grandeur. Ce musée, qui consacrait au moyen de l’art le souvenir de nos gloires, était destiné à exalter le patriotisme de la nation en lui montrant la suite ininterrompue de ses fastes dans leur antique et imposante majesté.

Le rapport dans lequel le comte de Montalivet, intendant général de la liste civile, justifiait la nouvelle destination à donner au palais de Versailles est remarquable. Il est du 29 août 1833 ; les conclusions en furent adoptées, le 1er septembre, par le roi Louis-Philippe. C’est un document vraiment administratif ; tout est y prévu, il n’y a plus qu’à passer à l’exécution. L’architecte Neveu a étudié dans toutes ses parties le projet soumis au roi. M. de Montalivet expose quel sera l’aménagement des locaux, quelle sera la distribution des ouvrages dans les salles anciennes et nouvelles ; il parle