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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/331

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de la nécessité qu’il y a, pour avoir des séries complètes, de faire aux artistes de nombreuses commandes et de leur fournir ainsi l’occasion de rehausser la gloire de l’École française. C’est l’honneur du roi d’avoir conçu ce projet et d’en avoir arrêté le plan. C’est sa pensée que « Versailles présente à la France la réunion des souvenirs de son histoire et que les monumens de toutes nos gloires y soient déposés, et environnés ainsi de la magnificence de Louis XIV. » Et tout cela est juste.

Quoi qu’on en ait dit, le musée de Versailles n’a pas été une création ordinaire. Sans doute, il n’y avait pas assez d’artistes de grand mérite pour remplir, rien qu’avec des chefs-d’œuvre, le programme que l’on avait conçu. Il fallait un peu prendre de toutes mains, pourvu encore qu’elles fussent habiles, et les habiles mains ne manquaient pas. Les contemporains se sont plaints bien haut qu’il y eût des disparates et des faiblesses. Mais à distance ces inégalités s’effacent. Il en est du musée de Versailles comme d’autres entreprises accomplies avec une rapidité nécessaire. Ainsi, la frise du Parthénon, œuvre politique et religieuse de premier ordre, n’est pas, non plus, parfaite dans toutes ses parties. On y distingue la main de plusieurs artistes, et, dans le nombre, il y a en qui, bien qu’Athéniens et travaillant sous la direction de Phidias, n’ont montré qu’une habileté relative. Néanmoins, on admire l’ensemble ; et, pour Versailles aussi, admirer l’ensemble est de toute justice.

Il faut aussi le reconnaître, la création du musée de Versailles a été un grand bienfait pour les arts ; elle a donné l’occasion à beaucoup de talens de paraître et aussi de se renouveler. Les programmes historiques étaient une épreuve. Plusieurs artistes qui semblaient avoir dit leur dernier mot devenaient, en les traitant, des hommes nouveaux. Heureux effets des études sérieuses et de la vérité quand elle est sincèrement cherchée ! On retrouvait dans leurs œuvres, avec le talent acquis, le mouvement et la vie. Affranchis de l’antique, et libres devant la nature, nos peintres paraissaient devenir plus français. De là toute une suite d’ouvrages qui ont honoré Couder et Cogniet, et d’autres encore parmi lesquels M. Alaux, lui aussi, a pu montrer tout son mérite. En effet, vers 1830, après de grands efforts et une abondante production, il restait avec la réputation d’un décorateur habile. Ce renom, qui semblait le faire déchoir, décida de sa carrière. Il avait toujours eu des attaches avec la famille royale. Dès 1814, on voit par une lettre adressée à son ami Taylor, alors garde-du-corps dans la compagnie de Wagram, qu’il aspirait à devenir peintre du duc d’Orléans. Plus tard, sa figure de Cadmus avait été achetée pour la galerie du Palais-Royal. Grâce au fidèle Taylor, sans doute, il n’avait jamais été oublié. Lorsque les travaux du