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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/342

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du Quirinal suivit de près, et à quelques jours de là on apprit que le pape s’était retiré à Gaëte. Étrange situation que la nôtre ! Éloignés de notre pays, nous vivions dans Rome comme si nous en eussions été aussi loin que de Paris. Au milieu de faits si graves, notre devoir était écrit. Nous n’avions qu’à poursuivre nos études, à rester fidèles à notre vie commune et à garder une contenance impassible.

M. Alaux nous donnait l’exemple. On peut le croire : la chute du roi Louis-Philippe avait été pour lui la cause de sincères regrets. Cependant son chagrin ne parut que par l’abattement de son visage. Jamais notre directeur ne dit un mot qui pût nous découvrir sa pensée ou qui nous autorisât à des commentaires. Ce sentiment du devoir, cette réserve et cette dignité, lui concilièrent le respect de tous, et même de ceux qui ne pensaient pas comme lui. Les effets de la confiance et de la sympathie qu’il nous inspirait ainsi furent très sensibles au milieu des événemens que nous allions bientôt traverser ensemble.

Dès les premiers jours de l’année 1849, l’Europe présenta un spectacle effrayant. La guerre était partout, sinon en fait, du moins en puissance. Quelles luttes que celles qui mettaient aux prises les sept armées de la Hongrie avec le reste de l’empire et le Danemark avec l’invasion allemande ! Quelles délibérations que celles de ces états-généraux, de ces cortès, de ces assemblées, de ces constituantes, de ces parlemens, qui, réunis dès les mois de janvier et de février, élaboraient des chartes, des statuts et des lois au milieu des armes, décidaient de la guerre, chacun ayant foi dans la justice de sa cause ! Ce qui rendait extraordinaires ces violens conflits, c’est qu’ils se produisaient, non pas pour satisfaire des ambitions dynastiques, mais pour le triomphe d’idées devenues populaires, au nom de théories politiques ou sociales et surtout au nom du principe des nationalités.

Nulle part, la situation n’était plus grave qu’en Italie. Les travaux de la constituante romaine amenèrent la proclamation de la république, et le gouvernement français répondit aussitôt en déclarant que la république française ne se considérait pas comme solidaire de toutes les républiques qui croiraient devoir s’établir, et que le souverain pontife devait être libre. Les chambres piémontaises votèrent la dénonciation de l’armistice intervenu après la défaite de Custozza ; le désastre de Novare suivait de près la reprise des hostilités, et l’ingratitude populaire se déchaînait contre Charles-Albert. Les Autrichiens descendaient sur Rome ; les Napolitains se dirigeaient vers les états pontificaux ; les Espagnols débarquaient à Terracine pour restaurer le pape. C’était à Rome qu’était le nœud des difficultés communes aux races latines, et c’est là qu’il allait