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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/364

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inconstant pour vous, n’en croyez rien ; mes plus belles heures sont celles où je reçois de vos lettres. — LE VIEUX MALADE. » Malade imaginaire ou diplomatique, Voltaire exploite ses souffrances, il en fait de l’esprit, il en fait un moyen d’attirer ses amis, d’écarter les ennuyeux. (N’écrit-il pas à l’un de ceux-ci qu’il est mort ? ) « Ne pourriez-vous venir me donner l’extrême-onction en passant ? mande-t-il à de l’Isle, qui ne saurait mieux s’adresser que chez lui, s’il a envie de voir des ombres, comme faisait le capitaine de dragons Ulysse. » Ce qui n’empêche nullement cette ombre de souper longtemps et de bon appétit, de se coucher tard et lever de grand matin, de se promener beaucoup, de composer des ouvrages, de dicter pour son capitaine des réflexions aimables ou malicieuses sur les parlemens, Beaumarchais, la Du Barry, Louis XVI, Maurepas (le premier homme du monde pour les parades), Joseph II, les Jésuites, Voisenon, etc. A des complimens de son correspondant, il répond qu’il ne se reconnaît que deux qualités : s’exprimer clairement, ne point courir après l’esprit ; que Catherine II lui écrivait naguère qu’il y avait sans doute en France deux langages, le sien et celui des beaux esprits, qu’elle n’entendait rien à ce dernier. Il avait aussi la vanité de croire que Dieu l’avait fait pour être avocat : et en vérité il plaida avec quelque succès, devant le tribunal de l’humanité, la cause des Sirven, des La Barre, des Lally-Tollendal. Mais oubliait-il ses prétentions à la diplomatie, et sa déconvenue auprès de Frédéric II, si finement contée par M. le duc de Broglie, ne forme-t-elle pas un des morceaux les plus agréables de l’histoire ironique du XVIIIe siècle ?

Le dragon-peintre envoyait très régulièrement à Voltaire ses poésies au fur et à mesure de leur éclosion : les Rois, les Perroquets, l’Apologie de saint Nicolas « qui devrait être chantée dans toutes les églises, » l’Oranger, l’Aventure de Tours, etc. ; nouvelle source d’éloges qui font penser aux félicitations de Victor Hugo à ces innombrables poètes qui lui dédiaient leurs vers pendant son exil de Guernesey.


APOLOGIE DE SAINT NICOLAS.
… De saint Pierre lui-même,
Puisqu’il faut parlet net,
Le triple diadème
Couvre mal le filet. Charmés de sa fortune,
Sous lui nous nous rangeons ;
Mais, soit dit sans rancune,
Il vendit des goujons…
Courez à ses oracles,
Aux pays de Nancy.
Voulez-vous des miracles ?
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