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la suivre, pourvu que la sienne soit probable et ait ses raisons et ses fondemens. C’est assez que le confesseur lui conseille ce qu’il croit être plus certain et ce qu’il approuve le plus. Mais si son opinion ne plaît pas au pénitent et que ce qu’il a fait puisse se faire, comme étant approuvé de plusieurs bons auteurs, ce serait une extravagance et une grande arrogance au confesseur de refuser de l’absoudre, parce qu’il n’est pas de son avis. Quand, sur un contrat, les docteurs sont partagés, le pénitent peut choisir et suivre l’opinion qu’il jugera à propos. Je dis de même quand, hors de la confession, un théologien est consulté, si les opinions sont contraires, il lui est permis, sans danger, de suivre l’une ou l’autre et de décider comme il lui plaît, et quand lui-même serait dans l’opinion la plus probable, il ne peut pas obliger à la suivre celui qui le consulte : mais il doit seulement lui exposer simplement son avis en l’avertissant cependant qu’en faisant le contraire il ne péchera point, parce qu’il y a plusieurs docteurs qui croyent la chose permise. Cela est net et décisif.

« — Tout de bon, mon père, votre doctrine est bien commode. Quoi ! avoir à répondre oui et non à son choix ! On ne peut assez priser un tel avantage et je vois bien maintenant à quoi vous servent les opinions contraires que vous avez sur chaque matière ; car l’une vous sert toujours et l’autre ne vous nuit jamais : et si vous ne trouvez votre compte d’un côté, vous vous jetez de l’autre, et toujours en sûreté. Et votre père Mercado a raison de dire que cela donne à un directeur une grande liberté et une grande autorité. — Cela est vrai, dit-il, et ainsi nous pouvons toujours dire avec Diana, qui trouva le père Bauny pour lui lorsque le père Lugo lui était contraire : Sœpe premente deo fert deus alter opem. (Si quelque dieu nous presse, un autre nous délivre.)

« — J’entends bien, lui dis-je ; mais il me vient une difficulté dans l’esprit. C’est qu’après avoir consulté un de vos docteurs et pris de lui une opinion un peu large, on sera peut-être attrapé si on rencontre un confesseur qui n’en soit pas et qui refuse l’absolution si on ne change de sentiment ; n’y avez-vous point donné ordre, mon père ?

« — Vous êtes un étrange homme, reprit-il, vous écoutez ce que je vous dis sans nulle application. Dans l’endroit du docteur Mercado, que je viens de vous citer, n’a-t-il pas prévu votre objection ? et ne dit-il pas en termes formels que ce serait une extravagance et une grande arrogance au confesseur de refuser l’absolution et son pénitent, à cause qu’il n’est pas dans son opinion. On a mis ordre à tout cela, et on a obligé les confesseurs à absoudre leurs pénitens qui ont des opinions probables, sous peine de péché mortel, afin qu’ils n’y manquent pas.