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que depuis, dans des temps plus pacifiques, pour se relever un instant l’année de la guerre d’Italie. Est-ce le vice qui tarit la fécondité ? Ce n’est qu’un dénigrement vulgaire. Le vice ne règne pas plus en France qu’en Allemagne ou en Angleterre : il n’a que l’hypocrisie de moins. Il faut donc qu’il y ait d’autres causes, des causes plus générales ou plus profondes. Elles ne sont sûrement pas dans les fantaisies philosophiques de l’auteur de Dépopulation et civilisation, qui veut bien nous révéler que, si la France est stérile, c’est parce que notre démocratie est restée centralisée et catholique, parce qu’elle n’a pas encore réussi à s’affranchir des influences du passé, de la royauté et du cléricalisme. Le fait est, au contraire, que la « dépopulation » a commencé et a coïncidé avec cette émancipation dont on parle, qu’elle n’a cessé de se développer depuis sans interruption, pour atteindre, dans ces dernières années, le degré le plus aigu. Que reste-t-il donc ? Il reste peut-être une cause plus simple et plus intime, moins transcendante et moins chimérique : c’est un certain état moral créé par les progrès du luxe et du bien-être, par la confusion des idées et l’âpreté des instincts nouveaux ; c’est cet état où tous les freins sont émoussés, où l’esprit de tradition et de solidarité s’est affaibli. On songe avant tout aux commodités de la vie. Il faut bien appeler les choses par leur nom : en a moins d’enfans pour leur laisser plus de fortune si on le peut, au moins plus d’aisance, ou pour se dérober aux charges des familles nombreuses. On calcule la paternité, et ce qui a commencé par envahir les classes aisées a fini par pénétrer jusque dans les campagnes, parmi les masses rurales. Ce n’est peut-être pas la seule cause, c’est une des plus sérieuses, une des plus actives d’un mouvement de décroissance par lequel la race a paru atteinte dans sa fécondité native. Que faire à cela ?

Reconnaître et vérifier le mal est plus aisé, sans doute, que de trouver les remèdes. Que législateurs et économistes se mettent à l’œuvre et imaginent toute sorte d’expédiens pour raviver la production humaine en France, pour encourager la multiplication de la race par des dégrèvemens d’impôts, par des subsides ou des faveurs, qu’on propose même de taxer les célibataires ou d’accorder des avantages aux pères de nombreuses familles ; qu’on y ajoute toutes les sollicitudes possibles pour les mères, pour les enfans, soit, on l’a essayé. Tous ces moyens ne sont encore, à tout prendre, que des palliatifs le plus souvent peu sérieux ou peu efficaces et même quelquefois plus dangereux que bienfaisans. On ne suscite pas à volonté, par des combinaisons plus ou moins ingénieuses, par des artifices d’administration et de légalité, la force productrice d’une nation. Il n’est pas au pouvoir de l’état de disposer de la natalité. Les remèdes, en cette affaire, ne sont, pas plus que le mal, de l’ordre politique et administratif. Le moyen le plus efficace, quoique sans doute encore d’un effet assez lent, serait