Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décroissance et de degré en degré, est tombée de 32,9 naissances pour mille habitans à 23,9, et même pour les dernières années, à 23,4. C’est une diminution d’un quart sur le nombre des naissances. Il y avait en 1800-1810, 3,93 enfans pour chaque mariage, il n’y en a plus que 2,96. Tout fléchit à la fois dans ce mouvement dont l’impitoyable statistique marque les étapes de dix ans en dix ans. La diminution, il est vrai, n’est pas la même dans toutes les régions de la France, elle varie selon les zones, quelquefois de département à département et même de commune à commune. Il y a des contrées comme le Nord, la Seine-Inférieure, surtout la Bretagne, la Nièvre, la Lozère, qui gardent un chiffre assez élevé, au moins suffisant de naissances, tandis que d’autres et même des plus riches, la basse Normandie, la Bourgogne, une partie du Midi, le Lot-et-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne, tombent à un degré inférieur dans l’échelle de la natalité. Tout compensé, pour l’ensemble du pays, le dernier mot est le déficit. La France qui, à certaines époques du siècle, a compté plus d’un million de naissances annuelles n’en comptait plus récemment que 937,000, et comme, en dépit de tous les progrès du bien-être, la mortalité n’a pas décru dans la même proportion, le résultat est toujours en fin de compte, sinon une décroissance décidée, accélérée, du moins une stagnation sensible. C’est là le fait positif. Il serait certes sérieux et inquiétant s’il était le signe d’un commencement de stérilité, d’un dépérissement de la fécondité française. Il peut au moment présent paraître d’autant plus grave, d’une gravité relative si l’on veut, qu’il se lie à une question de défense nationale, que par une coïncidence peu rassurante, tandis que la France semblerait perdre de ses forces, les autres états de l’Europe, l’Allemagne au premier rang, en sont toujours à voir leurs populations se multiplier et s’accroître. A une date qu’on peut prévoir et presque fixer, c’est un corps d’armée de plus ou de moins à jeter dans la balance des batailles. Grosse affaire assurément pour un pays comme le nôtre, réduit à défendre pied à pied sa vieille grandeur.

A quoi tient le mal de la « dépopulation, » ou pour mieux dire de ce ralentissement de fécondité dont souffre particulièrement la France ? Pourquoi y a-t-il un peu moins de mariages ? Pourquoi surtout y a-t-il moins d’enfans dans les familles ? C’est l’éternelle question, qui n’est pas facile à débrouiller, qui n’est pas plus claire aujourd’hui qu’hier, quoique tout le monde dise son mot. Il n’y a point, après tout, de raisons physiques bien saisissables. Est-ce la misère, la difficulté de vivre qui produit la stérilité ? Mais ce sont précisément les populations les plus éprouvées, les plus pauvres, les plus étrangères aux progrès et aux jouissances du bien-être ; ce sont les populations du Finistère, de la Lozère, qui ont le plus d’enfans. Est-ce la guerre qui, à certains momens, a eu son influence sur la race ? Mais c’est justement en plein empire, en 1806, que la natalité a été la plus élevée ; elle ne s’est ralentie