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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/550

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De quel droit les traiter comme un simple papyrus découvert dans le tombeau de quelque momie, ou comme un vieux parchemin oublié dans les archives d’une ville dévastée ?

Si les Égyptiens de Ramsès revenaient aux bords du Nil, ils seraient, je pense, les meilleurs interprètes de leurs écritures : les égyptologues ne feront aucune difficulté de le reconnaître. En bonne critique, et sans invoquer pour l’Église catholique l’autorité infaillible qu’elle tient de son Maître dans la conservation et l’interprétation de la foi, je demande qu’on la traite comme toute société vivante et intelligente, et qu’on veuille bien admettre qu’elle est mieux que personne en mesure d’expliquer ses propres livres.

Ce droit reconnu , je ne fais aucune difficulté d’appliquer aux documens restés vivans malgré leur antiquité séculaire, la méthode qui consiste à replacer ces livres dans le milieu qui les vit se produire, et d’emprunter à la connaissance de ce milieu des élémens de grande valeur pour les mieux comprendre.

Qu’on me permette un exemple. Il y a, dans les auteurs évangéliques, une expression significative dont l’interprétation est d’une importance majeure : c’est l’expression Fils de Dieu, appliquée à Jésus.

Les critiques modernes qui étudient les Évangiles comme un simple Hérodote ou un Tite-Live, disent justement que la locution a divers sens et qu’elle se prend quelquefois au sens métaphorique et moral, et qu’à ce point de vue, elle peut s’appliquer et s’applique de fait à des hommes.

Ils ajoutent : c’est dans ce sens qu’on doit l’appliquer à Jésus.

La question est de savoir comment Jésus voulait qu’on la lui appliquât, et de quelle façon les apôtres la lui ont donnée.

C’est une question de fait et de témoignage. L’Église, gardienne de la tradition des apôtres, redisant avec eux et après eux, d’âge en âge, ce qu’ils ont enseigné, l’Église affirme que le titre de Fils de Dieu a toujours été, depuis saint Pierre qui le lui a donné le premier, jusqu’aujourd’hui, un titre impliquant non pas une filiation métaphorique et morale, mais une filiation absolue, dans l’identité d’une même nature divine.

Que peut prouver l’exégèse en opposition avec un tel témoignage ? Certes, la raison est libre de refuser sa foi à la parole de l’Église comme à celle des apôtres et à celle de Jésus; mais je ne comprends plus qu’elle vienne dire aux auteurs des livres eux-mêmes, ou, — ce qui est la même chose, — aux gardiens fidèles de ces ouvrages : Vous ne savez pas ce que vous écrivez et ce que vous lisez. — En vérité, qu’en peut-elle connaître?

Entendue au sens catholique, l’expression peut paraître étroite