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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/579

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plus étroite avec la terre où elle s’est déroulée. Comme la Galilée, avec sa ville de Nazareth, son lac de Tibériade, son Thabor, ses collines et ses vallées toutes vertes, encadre bien la figure de Jésus vivant trente ans inconnu, de l’apôtre, du docteur populaire annonçant l’Évangile du Royaume, enseignant la foule en paraboles, l’entraînant au désert, et révélant sur une montagne à ses disciples sa gloire éternelle ! Comme la Judée austère, aride, avec ses monts rocailleux, comme Jérusalem avec sa vallée du Cédron, assombrie par ses tombeaux, s’harmonisent bien avec le Prophète méconnu, repoussé, condamné ignominieusement et mourant sur un gibet !

Il me semble avoir pris, au contact de la Palestine, de ses ruines, des souvenirs sacrés dont elle est pleine, le sentiment profond des faits évangéliques, de leur vérité, de leur réalité et de leur beauté. Ces faits sont inséparables de cette terre. Elle peut devenir plus triste encore, plus désolée, plus morte; elle les encadrera toujours dans sa lumière, dans ses vallées, dans ses collines ondulantes, dans ses chemins par où Jésus a passé et par où des générations sans fin passent et repassent encore après Ini.

La reconstitution du milieu social où Jésus vécut est plus difficile que la peinture des lieux prédestinés à le voir agir. C’est peut-être le travail le plus complexe et le plus difficile de l’histoire[1]. On peut tenter le portrait d’un homme, non celui d’un siècle, d’un temps, d’une civilisation, à un moment déterminé de son existence. Cependant, on ne comprendra jamais un homme, surtout un homme public, si on ne l’étudié pas dans la société à laquelle il appartient. Or, une société est faite de milliers d’élémens qu’il est impossible, malgré tous les efforts et avec les informations les plus multipliées et les plus exactes, de reproduire dans leur complexité, leur mobilité et leur activité. Tout ce que peut essayer l’historien sincère, c’est de décrire l’organisation religieuse et politique d’un peuple, de nommer et d’expliquer les partis qui s’agitaient dans cette organisation, de signaler les doctrines philosophiques, les croyances, les préjugés, les habitudes de vivre, les mœurs, les coutumes traditionnelles, les passions politiques et religieuses.

  1. Les ouvrages les plus précieux pour la connaissance de la société juive au temps de Jésus, et qu’on peut nommer les ouvrages sources, sont les livres du Nouveau Testament, les livres de l’Ancien Testament, les apocryphes de l’Ancien Testament, quelques traités de Philon, les Talmuds, le Livre des antiquités et la Guerre de l’indépendance de Flav. Josèphe, les Livres sibyllins, la grande histoire classique de Rome, Suétone, Tacite, Pline le Jeune, Dion Cassius, etc.
    Les travaux modernes, en Allemagne surtout, sont considérables, et l’on ne peut que reconnaître leur importance. Autant l’exégèse, en ce pays, a été stérile, parce qu’elle a été presque toujours au service d’une tendance, autant l’histoire proprement dite des temps christiques a été féconde.