Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passé dans ces pages. Je voudrais communiquer à tous ce qu’il m’a donné.

Malgré tout, Jésus reste la grande figure dans le ciel des peuples chrétiens. La justice, vivifiée par la charité telle qu’il la voulait, est devenue la loi souveraine de ce monde, elle presse toutes les consciences, et ceux mêmes qui ont perdu la foi au Christ gardent sa morale, oubliant qu’elle est de lui. La puissance du sacrifice, ce levier que Jésus a mis aux mains de ses disciples, est intarissable ; les vrais croyans sont toujours prêts à donner leur vie pour que l’humanité, dans le moindre de ses enfans, soit arrachée au mal, à l’ignorance, à la douleur, à la mort.

C’est vers le Christ, tel que l’Église le garde, que je voudrais attirer les yeux de cette génération. On la dit malade : il la guérira; vieillie et désabusée : il lui rendra ses vingt ans et ses grands rêves ; car son disciple reste l’homme de l’éternelle espérance. On l’accuse d’être positive, de ne croire qu’au palpable et au visible, à l’utile et au délectable : il lui apprendra à voir l’invisible, à goûter l’immatériel, à comprendre que l’homme le plus utile à lui-même et aux autres, à la patrie et à l’humanité, c’est celui qui sait s’immoler, et que de tous les biens, le plus savoureux pour les raffinés, c’est le sacrifice de soi. On la dit folle de plaisir et d’argent; peut-être est-ce pour cela qu’elle décline, car le plaisir tue, et l’argent peut mener à tous les vices : le Christ lui apprendra h dédaigner le plaisir et à bien employer ces richesses qui débordent à mesure que la terre est plus savamment conquise.

Dans tous les cas, le monde reste en proie à mille douleurs, à mille angoisses, à mille tristesses. Ceux qui vantent la joie de vivre savent bien que cette joie est terriblement mélangée, et que la mort est d’autant plus cruelle qu’elle brise une vie plus heureuse. Le Christ est le seul qui enseigne la joie de souffrir, parce qu’il est le seul qui verse dans l’âme une vie divine que nulle douleur n’étouffe, que l’épreuve fortifie et qui méprise la mort, parce qu’elle nous permet de la regarder, pleins d’espérance.

Si j’osais emprunter la parole du plus grand des Évangélistes, je dirais : « Ces choses ont été écrites pour que vous croyiez que Jésus est le fils de Dieu. » C’est la foi catholique : je la confesse dans la plénitude de ma raison et de ma liberté.


F.-H. DIDON.