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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/584

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LE
PÈRE DU GRAND FRÉDÉRIC[1]


I.

Frédéric-Guillaume Ier n’a eu qu’un petit nombre d’idées, et si simples que des idées ne le peuvent être davantage : à savoir qu’un roi a besoin d’être fort ; que, pour être fort, il faut qu’il ait une bonne armée; que, pour avoir une bonne armée, il faut qu’il la paie; que, pour la payer, il faut qu’il trouve de l’argent. Il a eu, en outre, une idée rare et originale : il considérait le roi de Prusse comme un être idéal et perpétuel, dont il n’était, lui, Frédéric-Guillaume, que le serviteur : « Je suis, disait-il, le général en chef et le ministre des finances du roi de Prusse. » Cette conception mystique de son office avait cette conséquence très pratique qu’il ne se croyait pas autorisé à jouir de la royauté : il la gérait, pour le

  1. Frédéric-Guillaume Ier a régné de 1713 à 1740. Il n’a pas été publié d’ouvrage spécial sur tout le règne, depuis Förster, Friedrich-Wilhelm I, König von Preussen (3 vol., Potsdam, 1834-35). L’historien qui connaît le mieux cette période est M. le professeur Schmoller, qui a publié d’importans articles, très approfondis, sur l’administration intérieure (villes, commerce, finances, armée, colonisation, etc.), dans plusieurs recueils, notamment les Preussische Jahrbücher, la Zeitschrift für preussische Geschichte und Länderkunde, la Deutsche Rundschau, le Jahrbuch fiir Gesetzgebung, Verwaltung und Volkswirthschaft un Deutschen Reiche. Sur la politique extérieure de Frédéric-Guillaume, et sur le caractère de ce prince, les dépêches inédites des ministres de France à Berlin, qui sont aux archives de notre ministère des affaires étrangères, abondent en renseignemens.