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empreints d’une douloureuse énergie, quelles furent ses angoisses lorsque, sans préparation aucune, on vint lui apprendre que, dans les plantations voisines de la sienne, on massacrait tout ce que l’on trouvait d’Européens. Par une circonstance des plus malheureuses, son mari, directeur de l’Enfida, avait été obligé de se rendre à Tunis quelques jours avant la rébellion, et il paraissait impossible qu’il pût en revenir sans recevoir un coup de feu. Informe de ce qui se passait dans l’intérieur de la régence, le directeur de l’Enfida avait aussitôt sauté sur un cheval et franchi en cinq heures ce que l’on met dix heures à parcourir en voiture. En descendant de selle sain et sauf, il eut la douleur de trouver son enfant mort, mais, par sa foudroyante arrivée, son attitude résolue devant des serviteurs indigènes secrètement hostiles, il eut, du moins, la joie immense de préserver sa femme, l’enfant qui lui restait, et lui-même, de la mort violente que d’autres colons, français comme lui, ne purent éviter.

Dès lors, le gouvernement républicain se décida à agir avec vigueur. En toute hâte, il fit débarquer à La Goulette 10,000 hommes de troupes, qu’il avait eu l’imprudence de faire rentrer trop tôt en France. La capitale de la régence se vit occupée par nos soldats, qui y firent leur entrée tambour battant; Kairouan, la ville rivale de La Mecque par sa sainteté, ouvrit ses portes sans qu’il fût besoin de faire parler la poudre : un de nos compatriotes, devenu musulman et marabout vénéré, avait eu l’heureuse idée de persuader aux habitans de Kairouan qu’une prophétie avait prédit notre venue et que la volonté d’Allah devait être respectée. Sfax, qui s’était soulevée contre nous à l’appel de ses derviches fanatisés, fut assiégée et prise d’assaut par nos régimens. Des tertres encore non nivelés, et sous lesquels sont ensevelis les insurgés, témoignent de la sévérité du châtiment, il faudrait que de bien grosses maladresses fussent commises pour avoir à renouveler une aussi sanglante répression.


VII. — LES RÉSIDENS-GÉNÉRAUX.

Quelles sont les attributions du représentant de la France en Tunisie? Dépositaire des pouvoirs de la république française, il a sous ses ordres les forces de mer et de terre et les services administratifs ; il a seul le droit de correspondre avec le ministre des affaires étrangères dont il relève, sauf pour les affaires d’un caractère spécial.

Je n’ai point à redire quels furent les débuts de notre premier résident-général en Tunisie; ils ont été trop parfaitement définis ici