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excitations de parti, et la politique utile, pratique, fructueuse, que le pays attend toujours? Voilà la question qui s’élève avec ce mouvement renaissant!

Ce ne sont point, assurément, les plans de campagne et les programmes de fantaisie qui manquent pour occuper ou distraire sénateurs et députés revenant de leurs provinces, pour animer cette scène parlementaire qui va se rouvrir. A en croire les agités, les impatiens, à voir défiler et se croiser les projets dus à leur fertile imagination, on pourrait s’attendre à de l’imprévu, à des accidens, et surtout à bien du temps perdu.

Est-ce qu’on va sérieusement proposer aux chambres et au gouvernement de recommencer le procès de l’an dernier, de reconstituer la haute-cour, de refaire un acte d’accusation juridique avec ces amas de récits vrais ou faux, d’aveux trop réels ou de commérages dont on nous assourdit depuis quelque temps? On y a pensé, c’est bien clair, on y pense peut-être encore. On a interrogé les augures et les avocats, on a scruté les délits et leur nature. Que dans ce triste épisode dont on nous a dévoilé l’histoire secrète il y ait bien des particularités équivoques, des démarches louches, des menées suspectes, on n’en peut douter. Tout cela a disparu, laissant une impression morale qui est certes le plus sûr et le plus infaillible des jugemens. Est-ce qu’on croit qu’il serait bien habile, aujourd’hui, de renouveler et de prolonger ce maussade et irritant spectacle par un procès retentissant où le régime lui-même, après tout, serait en cause? Et puis, qui poursuivrait-on, qui mettrait-on devant la justice? Le boulangisme a eu des alliés et des complices dans plus d’un camp. Est-ce que les radicaux, qui font le plus de bruit aujourd’hui, n’ont pas été les premiers auxiliaires de la fortune du chef du boulangisme? Est-ce qu’ils n’ont pas tout fait pour lui livrer l’armée et l’encourager dans ses velléités dictatoriales ? Est-ce qu’ils n’étaient pas des conciliabules où l’on conspirait? Est-ce qu’il n’y a pas eu une nuit, à la veille de l’élection de M. le président de la république, où l’insurrection connue, avouée, des chefs radicaux, avait son quartier-général à l’Hôtel de Ville ? Où irait-on avec ce procès de tout un passé d’hier et où s’arrêterait-on? On s’exposerait à se perdre dans une puérile impuissance ou à faire tout simplement quelque 18 fructidor pseudo-légal, sans prendre garde que les 18 fructidor servent quelquefois à préparer les 18 brumaire. En réalité, tout ce qu’on dit ne vaut pas une heure d’interpellation au parlement.

Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’au moment où les uns parlent de relever la haute-cour au Luxembourg, d’autres, toujours parmi les radicaux, mettent en doute par leurs propositions l’existence même du sénat, ce grand justicier des jours critiques. Au fond, ils ne demanderaient pas mieux que de supprimer le sénat, qu’ils ne