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nombre d’idées, des élémens de solution dont chacun, quelle que soit à la fin la théorie préférée, conservera une valeur relative dans l’ensemble. Disputez sur les événemens et les hommes de la révolution française, sur Robespierre, sur Danton, etc., ce sera du temps perdu ; discutez sur les « principes » de 89 et sur les théories qui s’y rattachent, vous aurez beau garder finalement votre système personnel, le système de votre contradicteur (quand même vous ne l’avoueriez pas) vous aura instruit. Nous pensons donc que le professeur de philosophie peut seul donner à un enseignement élémentaire de la politique le degré d’élévation et de sereine impartialité plus nécessaires ici qu’ailleurs : c’est à la classe de philosophie que ces hautes questions doivent être réservées.

Toujours est-il que l’enseignement classique ne doit pas rester au-dessous de l’enseignement primaire et de l’enseignement spécial, qui ont tous les deux leur programme « d’instruction civique, de droit usuel et d’économie politique. » Comme le remarque avec raison M. Lavisse, l’élève de nos lycées sera électeur trois ans, plus souvent deux ans, voire même un an après s’être levé des bancs du collège. L’instruction civique lui est donc encore plus indispensable qu’aux élèves des écoles primaires. Quant à l’économie politique, outre son utilité pour l’industrie, le commerce et les finances, elle seule peut empêcher l’enfant devenu homme de se fier aux rêveries des utopistes ; elle lui montre les vraies relations entre le capital et le travail, la valeur réciproque du travail intellectuel et du travail manuel, les ressources que peuvent produire l’épargne, l’association, etc. Ce n’est pas en maintenant les enfans de la bourgeoisie dans l’ignorance des questions économiques et sociales qu’on les rendra capables de résister au flot toujours montant du socialisme.


V.

Les études classiques doivent aboutir, pour tous les élèves, à un enseignement complet de la philosophie. Il y a en ce moment chez nous un travail de rénovation philosophique et, comme on dit volontiers, d’évolution ; de là un inconvénient et un avantage. L’inconvénient, qu’atténuerait un enseignement plus simple et plus élémentaire, c’est une certaine confusion, née de la richesse même des idées, et aussi des incertitudes qui existent encore sur bien des points. L’avantage, c’est de donner aux jeunes esprits le spectacle de la vie et du progrès, de la fermentation féconde des idées. Le maître, en présence de ses élèves, pratique cette recherche de la vérité où Malebranche voyait le plus divin usage de la raison humaine : il les fait assister au travail de sa pensée et, par là, les exerce