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combattre le fléau des incendies, il fut décrété que quiconque mettrait ou tenterait de mettre le feu à des parties boisées serait puni de mort; en 1885, deux individus qui, par malveillance, détruisirent 10,000 hectares de plus d’Alep dans la région d’Aïn-Draham, furent fusillés sur place.

Le programme de 1883, tracé par le chef de la mission forestière, comportait l’exécution de trois natures de travaux : les démasclages destinés à mettre en rapport les massifs de chênes-liège, l’établissement de tranchées de protection contre l’incendie, et l’ouverture de chemins et sentiers. Tous ces travaux ont été entrepris ; il a été démasclé, depuis l’année 1884, près de 3 millions 500,000 chênes-liège. Pendant la même période, 1,200 hectares de tranchées de protection ont été ouverts ; plus de 600 kilomètres de routes et sentiers forestiers ont été construits, et de nombreux barrages, ayant nécessité l’emploi de 8,000 mètres cubes de matériaux, ont été établis sur les ravins. Tout ceci est trop récent pour que l’exploitation des forêts ait donné des revenus importans à l’État. Il y a plus : les dépenses excèdent encore les recettes. Dans un avenir prochain, le contraire pourra se produire.

Ce n’est qu’à partir de Sfax et en remontant de Sfax au nord que le blé et l’orge sont cultivés par des indigènes vivant sous la tente de toile ou le gourbi de broussaille. Dans cette région, la pluie, tous les ans, tombe avec régularité, mais combien de terrains néanmoins restent improductifs! Il faudrait des bras, des capitaux, et détruire l’incurie avec laquelle se fait la culture. Point d’engrais et un labour à la baguette ! La raison de cette insouciance est due à ce que les terres n’appartiennent que rarement à ceux qui les travaillent. Pourquoi un fermier se tuerait-il à la peine lorsqu’il sait qu’il ne récoltera que la misère, et si, devant ses bœufs, se trouvent des lentisques, des figuiers de Barbarie et autres broussailles improductives, pourquoi se fatiguerait-il à les arracher? Vous imaginez-vous dans nos plaines de la Beauce, des massifs de ronces et d’églantiers s’épanouissant au milieu d’un beau champ de froment? En Tunisie, cette vue vous est donnée à chaque pas et elle ne choque ni le propriétaire du champ, ni celui qui a mission de l’ensemencer. Comment s’étonner alors qu’une terre, même très fertile, ne produise que 6 hectolitres d’orge ou de blé par hectare?

Les fermiers ou les khammès, comme on les appelle ici, n’ont rien à eux lorsqu’ils entrent en fermage : attelages, semences, charrues leur sont fournis. La récolte rentrée, on la divise en cinq parts, et la cinquième part revient au fermier. Ce cinquième est insuffisant pour lui permettre de vivre, surtout s’il a femme et famille. Malgré des privations qui dépassent tout ce qu’on peut se figurer, malgré la nudité, une nudité malpropre, dans laquelle il laisse