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il a été difficile que la datte, ce fruit exquis, d’une nourriture si saine, fût mise à la portée des bourses modestes.

Dans l’intérêt des malheureuses tribus du sud et pour augmenter les plantations dans les oasis, il me semble qu’un dégrèvement des droits s’impose. Que ces droits soient réduits aussi bien sur les oliviers que sur les palmiers, et, dès lors, leur reproduction augmentée, encouragée, comblera par un plus grand nombre d’arbres imposables le déficit momentané qui pourra se produire dans les revenus du trésor.


XIV. — TRAVAUX PUBLICS DE LA RÉGENCE, PROJETS DE VOIES FERRÉES.

L’honorable M. Michaud, directeur général des travaux publics en Tunisie, est inévitablement voué aux dieux infernaux par l’excursionniste français qui s’aventure dans l’intérieur de la régence. Celui-ci l’accuse de n’avoir pas encore ouvert des routes carrossables dans toutes les directions, de chemin de fer tout le long du littoral, de n’avoir pas jeté de passerelles sur les rivières qui sillonnent la région, voire des ponts pouvant être comparés par leur majestueuse hardiesse à celui que les Romains ont jeté sur le Gard.

L’excursionniste qui, trop souvent, commet la regrettable distraction de voyager en Tunisie pendant les trois mois où le ciel y fond en eau, lorsque les moindres ruisseaux deviennent des torrens, devrait savoir qu’un pays, quelque beau qu’il soit, n’est bon à parcourir qu’avec un soleil resplendissant; et j’ajoute, en ce qui touche la régence, qu’il n’est pas permis d’ignorer qu’une situation financière peu brillante n’a pas encore permis de consacrer de fortes sommes à ses travaux publics. Examinons le passé.

En 1883, au moment où s’instituait la direction française, il n’existait dans toute l’étendue de la Tunisie d’autre route empierrée que celle de la capitale au Bardo, d’une longueur de 4 kilomètres. A la fin de décembre 1889, il y en avait 450 kilomètres entièrement achevés et 129 autres en voie de construction[1]. Le compte-rendu de la marche des services de 1883 à 1889 nous enseigne qu’à la première de ces dates, toutes les voies de communication étaient à l’état de pistes, d’une largeur très variable, ne présentant que rarement des déclivités excessives, suffisantes cependant pour assurer, dans les temps secs, la circulation à de légères arabas, voitures à deux roues du pays, mais impraticables en hiver. Dans les parties marécageuses, facilement submersibles ou avoisinant les lacs, dans les terrains sablonneux

  1. Direction générale des travaux publics. Tunis, 1889.