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d’emprisonnement. De pareils antécédens méritaient une récompense. Les électeurs de Battersea la lui décernèrent en l’envoyant siéger au premier conseil élu du comté de Londres dont il est toujours l’un des membres, en attendant qu’il pénètre aux communes. M. Burns a l’extérieur du tribun, carrure développée, tête haute ; il possède une voix tonnante dont l’effet est irrésistible sur la multitude. Pendant la grève des dockers de la Tamise, il a été le conseiller toujours écouté des travailleurs, et il n’est que juste de reconnaître qu’en une circonstance au moins, il s’est départi de sa rigueur intransigeante pour recommander la conciliation.

Si M. Burns est la personnalité saillante du nouvel unionisme, M. Broadhurst est le représentant le plus éminent des sages et anciennes traditions des corporations. Le contraste entre ces deux esprits ne pouvait être plus frappant. À côté du radical avancé et quelque peu visionnaire, le député de Nottingham apparaît comme le type du prolétaire « arrivé, » assagi par l’âge et l’expérience. Il a rempli, de 1875 à 1890, l’office difficile de secrétaire du comité exécutif des trades-unions et s’est trouvé mêlé, en cette qualité, à l’histoire du travail pendant les quinze dernières années. Au contact des hommes, au maniement des affaires, il n’a pas tardé à délaisser les chimères où s’était complu sa prime jeunesse. Ouvrier maçon jusqu’en 1872, il a consacré sa vie à la défense des intérêts de sa classe, apportant au service de la cause qu’il avait embrassée ce bon sens ferme et pratique qui est un des traits caractéristiques du peuple anglais. Cinq ans après son élévation au poste de confiance où l’avaient appelé les associations, M. Broadhurst était envoyé au parlement par le corps électoral de Stoke-on-Trent ; il devenait ensuite l’élu de l’une des circonscriptions de Birmingham, puis il parvenait aux honneurs sous le ministère de M. Gladstone, qui faisait de lui le sous-secrétaire d’état parlementaire du département de l’intérieur. En 1886, troisième mandat législatif. Cette fois, c’est la ville de Nottingham qui le lui confie, et il lui est resté fidèle ; mais sa modération, non moins que la marche ascendante de sa carrière, avait peu à peu soulevé les critiques sinon de ses ennemis, — il n’en a pas, — du moins de ceux qui rêvaient d’imprimer une direction nouvelle aux affaires des fédérations. Le congrès de Dundee fournissait bientôt à la manifestation de ces sentimens une occasion de se produire. Quelques délégués des unions récemment formées ne craignirent pas de proposer à l’assemblée un vote de censure à l’adresse du secrétaire du comité ; mais les services que celui-ci avait rendus à la communauté étaient encore dans toutes les mémoires, la motion fut repoussée à l’énorme majorité de 177 voix contre 11. Il n’en