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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/553

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mon cabinet, Artagnan dans la cour du château, et alors j’ai laissé aller le surintendant qui, après avoir causé un peu au bas du degré avec La Feuillade, a disparu dans le temps qu’Artagnan saluoit le sieur Le Tellier, de sorte que le pauvre Artagnan croyoit l’avoir manqué et m’a envoyé dire par Maupertuis qu’il soupçonnoit que quelqu’un lui avoit dit de se sauver ; mais il l’a rattrapé dans la place de la grande église et l’a arrêté de ma part, environ sur le midi. Il lui a demandé les papiers qu’il avoit sur lui, dans lesquels on m’a dit que je trouverois l’état au vrai de Belle-Isle, mais j’ai tant d’autres affaires que je n’ai pu les voir encore.

« Cependant, j’ai commandé au sieur Boucherat d’aller sceller chez le surintendant, et au sieur Pellot chez Pellisson, que j’ai fait arrêter aussi. J’avois témoigné que je voulois aller ce matin à la chasse et, sous ce prétexte, fait préparer mes carrosses et monter à cheval mes mousquetaires. J’avois aussi commandé les compagnies des gardes qui sont ici pour faire l’exercice dans la prairie, afin de les avoir toutes prêtes à marcher à Belle-Isle. Incontinent donc que l’affaire a été faite, on a mis le surintendant dans un de mes carrosses, suivi de mes mousquetaires, qui le mènent au château d’Angers. Fourilles a marché à l’instant avec mes compagnies des gardes et ordre de s’avancera la rade de Belle-Isle d’où il détachera Chevigny pour commander dans la place avec 100 Français et 60 Suisses qu’il lui donnera…

« J’ai discouru ensuite sur cet accident avec ces messieurs qui sont ici avec moi. Je leur ai dit franchement qu’il y avoit quatre mois que j’avois formé mon projet, qu’il n’y avoit que vous seule qui en eussiez connoissance et que je ne l’avois communiqué au sieur Le Tellier que depuis deux jours, pour faire expédier les ordres. Je leur ai déclaré que je ne voulois plus de surintendant, mais travailler moi-même aux finances avec des personnes fidèles, qui agiront avec moi, connoissant que c’étoit le vrai moyen de me mettre dans l’abondance et de soulager mon peuple. Vous n’aurez pas de peine à croire qu’il y en a eu de bien penauds, mais je suis bien aise qu’ils voient que je ne suis pas si dupe qu’ils s’étoient imaginé et que le meilleur parti est de s’attacher à moi. J’oubliois à vous dire que j’ai dépêché de mes mousquetaires partout sur les chemins et jusqu’à Saumur, afin d’arrêter tous les courriers qu’ils rencontreront allant à Paris et d’empêcher qu’il n’y en arrive aucun devant celui que je vous ai envoyé. »


CAMILLE ROUSSET.