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son devoir, il a trompé par ses assurances ledit colonel ; mais, considérant qu’il en est resté aux mauvais projets et propos, qu’il ne peut donc être puni de la peine établie pour l’acte accompli, et qu’enfin il n’est pas à présumer que les projets concertés entre lui et le prince aient pu jamais venir à exécution, — conformément aux devoirs de leur solennel serment, condamnent Katte à l’arrêt de forteresse pour le temps de sa vie.

Les majors articulent et numérotent les chefs d’accusation et n’omettent aucun détail, ni l’argent négocié pour « l’échapade, » ni la bourse, pleine de louis d’or, préparée pour la désertion, — — car ils prononcent ce mot évité par les capitaines, — ni le dépôt chez l’accusé des pretiosa et des lettres du prince. Ils relèvent les griefs omis par les capitaines, à savoir : les relations avec les ministres étrangers et l’intrigue avec Guy Dickens. Ils reprochent surtout à l’accusé d’avoir invoqué pour sa défense le mauvais traitement que le prince royal recevait de son père ; car il n’appartient pas à un officier et à un vassal de s’immiscer dans les affaires entre père et fils, entre roi et successeur. En conséquence, ils déclarent que, bien que la désertion n’ait pas été effectuée, il résulte clairement des points énumérés que Katte mérite d’être porté de vie à trépas par l’épée.

Les lieutenans-colonels, attendu que cet homme, — dieser Mensch, — aurait dû tout faire pour détourner le prince royal des projets irréfléchis conçus par ce jeune seigneur ; attendu que, si l’acte avait été accompli, il eût été la cause du plus grand trouble pour sa majesté, et que d’autres mauvaises suites en auraient pu être la conséquence, concluent que Katte doit perdre la vie par l’épée, pour servir d’exemple ; mais, considérant l’inexécution du méchant dessein, et la déclaration faite par le prince royal que, si la peine de mort est appliquée à l’accusé, son altesse n’aura, de toute sa vie, la conscience tranquille, ils prient sa majesté de vouloir bien, dans sa grâce, atténuer la peine.

Les colonels opinent aussi pour la mort, mais prient sa majesté de vouloir bien réfléchir, dans sa grâce et miséricorde, que cette entreprise, si bien méditée, n’a pourtant sorti aucun effet ; qu’il y a, dans tout cela, beaucoup de jeunesse et que l’accusé témoigne un très grand et cordial repentir. Ils prient donc sa majesté de bien vouloir commuer la peine de mort en celle de l’arrêt de forteresse à perpétuité. — Les généraux, après avoir, par deux fois, rappelé que Katte, à son témoignage et à celui du prince royal, a entravé par des difficultés la fuite projetée, concluent, après avoir mûrement réfléchi et pesé les choses, que Katte a mérité la peine de l’arrêt de forteresse à perpétuité. En ce qui concerne le prince, les capitaines déclarent, d’abord,