creusé, puisqu’il n’y a pas encore de vide, mais l’écart que constitue, à notre détriment, un accroissement plus rapide de la natalité chez nos voisins que chez nous. C’est aux facultés intellectuelles de la race qu’il faut demander de rétablir un équilibre légèrement faussé, sans négliger pour cela les remèdes que l’expérience peut suggérer afin d’enrayer un mal qui s’aggraverait en se prolongeant. Il ne serait, dès aujourd’hui, redoutable qu’à la condition de constituer, entre la France et ses rivales, une infériorité intellectuelle et morale de la première, une vitalité moins énergique et moins puissante. Comment l’admettre en présence de ce que la France a fait depuis vingt ans, en comparant ce qu’elle était à la fin de 1870 et à la fin de 1890, en se rappelant l’étonnant tour de force du centenaire, œuvre de la France laborieuse ? Elle a, ce jour-là, montré aux peuples, ses hôtes, ce qu’elle savait et pouvait faire, combien fortement trempée était cette vieille race gauloise que ses détracteurs proclamaient finie, dénonçant au monde les vices qui, suivant eux, nous rongent et ce qu’ils appellent les irrécusables symptômes de notre décadence.
Ils puisent leurs argumens dans la théorie du nombre ; ils l’invoquent pour justifier leurs assertions, nous opposant l’exemple de l’Angleterre dont la population a triplé en quatre-vingts ans, celui de l’Allemagne qui, en vingt années, de 1860 à 1880, a gagné 7,450,000 habitans, mais ce qu’ils négligent de nous montrer, c’est dans quelle proportion cet accroissement rapide des populations anglaise et allemande contribue à la prospérité et à la force de l’Angleterre et de l’Allemagne ; ce qu’ils omettent d’indiquer, c’est jusqu’à quel point ce taux d’accroissement peut se prolonger sans atteindre et dépasser la limite où l’équilibre rompu entre la production de la richesse et l’augmentation de la population a pour conséquence le paupérisme.
Il y a là, en effet, une limite que l’on ne peut franchir sans danger. Il ne suffit pas d’accroître le chiffre de la natalité pour assurer les moyens d’existence des nouveaux-venus. Il faut aussi que la production alimentaire ou, à tout le moins, la production industrielle qui permet de combler le déficit de la production agricole nationale par des achats à l’étranger suive la même progression. Or en Angleterre comme en Allemagne cet équilibre est rompu ; en Angleterre comme en Allemagne, l’industrie manufacturière ne fournit plus qu’un accroissement de richesse inférieur à l’accroissement de la population.
« En matière de population, écrivait ici même[1] M. Maurice
- ↑ Voir, dans la Revue du 15 octobre 1882, une Crise latente.